Le billet de Clairis 2015

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JAZZ RUNNERS QUINTET - 24/01/15

En ouverture du premier concert de l'année 2015, ce 24 janvier à la Cave du Jazz de Lorrez-le-Bocage, le vice-président de Jazzy 77, Serge Billon, présenta comme à son habitude toute l'équipe des bénévoles, présidée par Thérèse Petitprez, et qui animent et/ou préparent la salle à chaque séance, de même que votre serviteur, dont la "plume" écrit régulièrement un petit billet d'humeur sur le site internet de la Cave. Peut-être certains des spectateurs l'ont-ils remarqué, il avait en main, pour ses notes en live, non pas un stylo, mais un crayon. Cela se voulait représenter toute une symbolique de pensée, en souvenir de cinq noms : Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wolinski, des "martyrs" de la liberté d'expression, des mortels connus des seuls amateurs d'humour politique ou social dans la presse, et qui ont été mis en lumière, devenant tant en France qu'à travers le monde, immortels ! Avec une pensée pour les autres victimes de cet assassinat abject.
Sans entrer dans la caricature, les invités de ce soir étaient cinq, eux aussi, et chantres d'une certaine liberté : celle de l'expression et de l'improvisation jazzy. Sous d'autres cieux assombris par cet obscurantisme d'un autre temps, ils n'auraient d'ailleurs pu jouer, car la musique d'une façon générale y est interdite, comme tant d'autres choses essentielles à l'harmonie de la vie ou lui donnant sens…
Cela dit, place à la musique, nous référant à cette définition du musicien John Pearse, que le premier président de Jazzy 77, Jean-Claude Billaud, aime rappeler :
"Music really does make the world a better place"
Donc sur scène le quintet des Jazz Runners, des musiciens d'expérience et à la forte personnalité, réunis en juin 2012 pour un road movie en Amérique latine, plus précisément au Venezuela, un périple improbable - comme ils se plaisent à le dire - mais qui leur a insufflé une richesse créatrice impressionnante, avec pour cette soirée au répertoire, cottoyant quelques standards, nombre de compositions originales qui concourent à exprimer une vitalité et une sensibilité aux riches effluves exotiques africaines et sud-américaines.
Autour du guitariste Gilles Renne, qui a parcouru le monde et joué avec les plus grands, des compagnons qui n'ont rien à envier à son parcours : Sylvain Sourdeix, aux saxophones soprano et tenor ; Philippe Petit, à l'orgue Hammond B3 ; Sydney Haddad, aux percussions ; et Jean-Luc Lopez, à la batterie et aux drums. Avec pour définition de style : l'Equatorial Jazz Groove.
Dès les premières notes, le ton est donné, le décor du voyage esquissé. On ne peut que se laisser porter par la rythmique qui vous entraîne dans un paysage musical luxuriant où règne une exubérance des couleurs et où ruissellent d'amples coulées de lumière, une ambiance aussi très visuelle où l'éclairage de scène, avec ses leds colorés apporte sa contribution… Et puis, il y a cette forte sensation que les musiciens ont plaisir à jouer, en construisant l'osmose qui les réunit, en recherche de la pulsation fluide qui installe les échanges, de l'émotion qui se dégage des phrasés mélodiques, et surtout en quête de cet état de grâce difficile à définir, déjà pour le musicien - mais surtout le profane - , que l'on nomme "groove" et qui correspond à la sensation d'une musique qui, dit-on, "décolle" rythmiquement. Et d'évoquer en référence des approches possibles, outre le swing en jazz, le duende en flamenco, la pompe en musique manouche ou le tarab en musique arabe.
Qu'ajouter alors, sinon que le public est conquis, participant à la rythmique des battements de ses mains, ou encore, dans la pénombre du fond de salle, révélant des corps qui s'adonnent à la danse.
Vers minuit, Serge Billon évoquera pour conclure la soirée l'excentrique  Salvador Dali, qui affirmait que le centre du monde se trouvait à la gare de Perpignan, disant que l'artiste devait s'être retourné dans sa tombe, en apprenant que le centre du monde, un soir, s'était déplacé à Lorrez-le-Bocage.
Mais pour conclure sur cette belle soirée, qui avait emporté les esprits pendant quelques heures vers un ailleurs apaisant, j'ai l'envie de terminer sur cette pensée personnelle : "Jazz est grand", et même "très grand", quand il est servi par des invités d'un tel talent. Merci à Gilles et Sylvain et à leur Jazz Runners Quintet !

 


BELTUNER QUARTET - 21/02/15

Johann Riche est un être particulier qui, d'origine vosgienne, aurait plutôt l'allure d'un mage indien ou africain, vêtu de noir et les yeux bordés de khôl, diverses bagues aux doigts et sorte de croix du sud pendante à la poitrine. Ou plutôt un personnage un peu insaisissable à la Jack Sparrow, celui qui écumait la mer des Caraïbes, et qui aussi navigue à vue et à l'instinct à la recherche de rencontres et de sensations fortes, n'hésitant pas à dire : "Bonheur est chemin”… Mais son instrument de prédilection n'est pas le sabre d'abordage, c'est l'accordéon, comme en jouait son grand-père - et maître -, ici un "Beltuna", qui est la grande marque italienne en la matière. La marque ! Comme le souligne Johann : c'est elle qui a donné son nom au "Beltuner Quartet".
Autour du piano à bretelle et formant le noyau de l'équipage, des complices d'expérience et talentueux, des aventureux de la musique, avec, sur le pont, les cordes de Pascal Muller, à la guitare, et de Nicolas Pautras, à la contrebasse. En d'autres temps, il y eu pour compléter le quartet une deuxième guitare, celle de Arnaud Soidet et même un violon, celui de Véronique Audin. Mais ce 21 février, ce sont les percussions de Michaël Correia qui vont donner le ton, un autre compagnon de route rallié depuis quelques temps et tanné par le sel des courses.
Curieusement, le Beltuner Quartet, au travers de Johann et de ses flibustiers, ne revendique pas une quelconque appartenance au Jazz, car il se veut d'âme nomade et  d'esprit musical libre et universel, et l'on pourrait s'interroger si ce n'était pas une gageure, au final, d'inviter un tel groupe à La Cave du Jazz.
Inutile d'ailleurs de demander les titres prévus pour la soirée : tout se ferait en "live", au cours du premier set, et Johann, dès l'appareillage et entrée sur scène, souhaitera simplement aux spectateurs nombreux venus l'écouter : "Bon voyage !”.
Étions-nous donc invités à une grande croisière au sein des musiques du monde ? Il n'en sera rien, car nous allons en fait découvrir, sous bon vent et toutes voiles dehors, un univers musical qui n'appartient qu'à l'univers du voilier Beltuner, au cours de la traversée et d'escales colorées par des cultures des plus diverses.
Mais l'orchestration n'est pas sans désorienter, notamment pour celui qui aurait voulu écouter, avant cette soirée, le jeu accordéoniste en solo de Johann. Ce qui fut mon cas, et j'en conservais le souvenir de mélodies fluides et chantantes, comme pour "Âme indigo".
Au travers du filtre Beltuner et d'une interprétation très expressionniste se dégage un souffle évocateur complexe, mélange des genres et porteur de nombreuses influences, qui peut parfois mener à l'étrange, lorsque les effluves sonores semblent planer et venir de l'espace ou que l'on imagine une navigation fluviale amazonienne rythmée de percussions, des raids en des lieux exotiques porteurs de réminiscences balkaniques, - tzigane ou yiddish,… -, et même celtique ou encore turque. … Des "flashs" qui passent, à saisir, mais que l'on a guère le temps d'interpréter. On est en dépendance, en ivresse sonore.
Où sommes-nous vraiment ? Difficile à dire, car l'imaginaire des musiciens est là pour brouiller les pistes. On y fait toutefois des rencontres furtives, improbables ou vites oubliées car noyées dans le foisonnement mélodique, ainsi de Gainsbourg ou de Brel, d'Astor Piazzola,… Certains diront même avoir croisé Éric Satie ou Daniel Lavoie, ou encore Jimmy Hendricks. C'est complexe à souhait, coloré, virevoltant, mélange de réminiscences musicales et de sensations tout simplement "beltunériennes" - osons l'adjectif ! -. Il y a des fulgurances et des apaisements, des battements de cœur et des éclats de voix, des violences et de la douceur. L'espace scénique vibre de tout cet écheveau rythmique, création originale ou reprises de Johann, aux sonorités très contemporaines, et c'est captivant de voir chacun des officiants user de son instrument avec tant de conviction, de maîtrise et de savoir-faire. L'osmose et la complicité sont grandes entre tous, et l'on se plait à regarder Johann - un Jack Sparrow qui se livre à ses folies -, faire corps avec son accordéon prodigue, auquel les mains expertes donnent vie, virevoltant sur les touches et animant d'amples mouvements ses soufflets, au fil d'une inspiration à la diable, souvent débridée ; Pascal et sa guitare, qui passe avec aisance de la "pompe" à la mélodie ; Nicolas aussi à l'aise en pianotant des doigts ses cordes qu'en les caressant avec son archet ; Michaël et son exotisme percussionniste, qui rythme le voyage… C'est très "jazzy" tout cela, qui semble noyé dans la pure improvisation. Et cela convient bien à l'esprit de la Cave du Jazz !
Mais on peut avoir eu cette impression, côté public, d'avoir été un peu oublié ou mis à l'écart, tant la connivence est forte entre chacun des protagonistes du quartet, tant leur sérénité, lisible sur les visages, en particulier durant le second set, est éclatante. Ils sont entre eux, ils ont plaisir à l'être. Mais cela donne aussi plus de force au partage inévitable. Car se donner à la musique ne peut être aussi que se donner au public. Nous étions tous sur le même bateau, embarqués et emportés par le souffle des nuées qui gonfle les voiles.
Les douze coups de minuit ayant retenti, cela n'arrêtera pas les musiciens, prenant conscience que la salle était toujours en vibration. Malgré l'heure tardive, Johann offrit la primeur de leur dernière composition, "Lost Again”, qui clôtura le concert à près de minuit trente. Nous sommes de retour au port.
Une longue soirée qui ne fut donc l'objet d'aucun rappel, car la générosité du groupe était ainsi : donner sans compter et sans attendre. Et si les conditions en avaient été telles, certes raisonnables pour un public qui doit reprendre la route, cela aurait encore pu durer, à n'en pas douter, jusqu'à une transe finale partagée…


Musiques à ouïr CLARINET UNLIMITED - 21/03/15

Salle comble, en cette soirée du 21 mars 2015, veille du premier tour des élections départementales, pour accueillir Clarinet Unlimited, une formation issue de la célèbre Clarinet Connection, que la Cave du Jazz avait accueillie à plusieurs reprises avec le plus grand succès et une redemande constante, selon mes souvenirs en octobre 2001, mars 2004, février 2007 et février 2011, mais qui aujourd'hui, composée d'hommes et de femmes, n'avait pas atteint la parité, - comme le souligna en ouverture Serge Billon, vice-président de Jazzy 77 -, précisant toutefois qu'il s'agissait d'un quintet, donc qu'un tel objectif recherché des politiques était ici impossible… Voilà pour le prologue à un concert qui se devait d'être encore une fois majeur, et faire oublier durant quelques heures les enjeux territoriaux, avec des têtes d'affiche ici vraiment incontestables : aux soufflants, deux clarinettes : celles de Michel Mardiguian et Dominique Bertrand (qui remplaçait le partenaire habituel du duo complice : Jacques Montebruno, alité avec 40° de fièvre) ; aux cordes : Marie-Ange Martin à la guitare et Patricia Lebeugle à la contrebasse ; à la batterie : Michel Denis.
Comme l'avait écrit Maïté, dans le programme : "Ces cinq musiciens ont un parcours musical tellement riche que la place manque pour décrire chacun d'eux”. Elle précisait : "Aussi, il est indispensable de venir les écouter et se rendre compte soi-même, mais surtout pour savourer sans modération un grand moment musical”.  Et le public était bien au rendez-vous, au grand plaisir de l'association, qui en indiqua un autre, sachant que le Jazz New Orleans attire surtout les anciens : la présence d'une famille avec quatre très jeunes enfants, qui plus est, en découverte instrumentale. Il y avait là, par ordre alphabétique et avec indication de leur instrument d'étude : Clément (trompette), Jeanne (clarinette), Morgan (violon) et Rémy (saxophone), de quoi satisfaire leurs parents, qui doivent, on l'imagine, s'offrir régulièrement de petits moments musicaux réjouissants,… en plus du grand que nous allions tous vivre ce soir.
Au cœur de ce concert original, il y a bien sûr le couple de clarinettistes. Un jeu que nous savons marqué par leur personnalité exigeante, leur soif de perfection et de musicalité, - ici selon une influence jazzy créole -, les subtilités du lyrisme mélodique. Habituellement, Michel et Jacques ; aujourd'hui, Michel et Dominique… Ce fut un jeu d'anches exemplaire où s'imposaient la maîtrise instrumentale, du talent en réciprocité, et une osmose qui laisse penser que ces deux-là ont une certaine habitude de croiser leurs souffles. Des clarinettes en apparente liberté, vives et chantantes, en grande sobriété et harmonie, qui sont soutenues par des cordes d'exception : celles de la guitariste Marie-Ange, qui, d'un doigté sans pareil sur sa "Gibson", les accompagne de notes rondes et veloutées, et celles de la contrebassiste Patricia, sensuelle et fascinante, presque menue auprès de son instrument que son corps semble parfois enlacer ; ses mains semblent survoler les cordes (à l'image de Pierre Calligaris sur les touches de son piano "stride") pour en extraire des sonorités mélodiques ou rythmiques, toujours en symbiose avec les percussions sensibles et inventives de Michel.
C'est de la belle musique, chaleureuse et séductrice, génératrice d'émotions, qui manifestement a enthousiasmé le public présent, à l'écoute des nombreux battements de mains qui ponctuent chaque fin de morceau, mais aussi dans les divers soli où chaque musicien donne, à son tour, la mesure de son talent et de sa sensibilité. Chacun des titres apparaît comme un petit joyau musical, sans "fausse note" de goût, où chaque instrument apporte sa justesse et justifie sa présence.
Cela aura été une superbe flânerie en terre de Louisiane, entre swing, spiritual et blues (superbe interprétation en solo de "Saint-Louis Blues" par Dominique), en compagnie de grands du Jazz, comme Fats Waller, Duke Ellington ou encore Sidney Bechet, dont Clarinet Unlimited offrira un "Really the Blues”, demandé par une personne du public.
Que le temps passe vite, en compagnie de ces musiciens ! Leur dernier morceau "Nagasaki", que Michel qualifie d'explosif (mais créé bien avant le dramatique bombardement de la ville japonaise), et porte-bonheur du quintet, en donnant chaque fois le point final au spectacle, devra accepter pour véritable clôture un bis : "As long as I live", sans doute pour me persuader que je garderai de cette soirée, Aussi longtemps que je vivrai, un souvenir vivace. Y ajoutant pour l'enrichir la montée sur scène, accompagnés de la présidente de Jazzy 77, Thérèse Petitprez, de Jeanne, - la clarinettiste en herbe -, et de son frère Morgan, porteurs chacun d'un bouquet de fleurs, pour remercier ces deux belles "croqueuses" de cordes que sont Marie-Ange et Patricia.
Merci à ce quintet d'exception pour cette belle prestation !

 


V.J.O. Quartet RIVE DROITE RIVE GAUCHE - 25/04/15

Nous sommes à Lorrez-le-Bocage, mais comment ne pas s'imprégner, ce soir du 25 avril 2015, de ces cabarets parisiens qui, rive droite et rive gauche, portèrent et portent encore pour certains haut le jazz, avec sur la "scène" un sextet d'exception : le justement Rive Droite Rive Gauche Swing Band. Un groupe séduisant à plus d'un titre, dont les cheveux d'argent (ou quelques crânes peu chevelus), au travers de celui de When your hair has turned to silver, expriment une expérience jazzistique sans pareil : chacun d'eux ayant accompagné des artistes, - comme le rappela Maïté dans le programme de La Cave du Jazz -, tels Stephan Grappelli, Marcel Zannini, Maxim Saury - auquel Memory of You rendra hommage -, Marc Laferrière, Daniel Huck, Éric Luter,… ou ayant participé à de grands festivals qui leur firent parcourir le monde, ou encore animé des croisières. Une séduction qui dépasse le simple talent, car chacun cultive aussi une cordialité naturelle très sympathique et surtout du respect (concept devenu rare aujourd'hui). Ceci, pour les organisateurs, au travers de leur ponctualité à venir rejoindre la salle Sainte-Anne pour s'installer et faire la balance ; cela, pour le public, au travers d'une tenue où l'élégance est de mise, pantalon noir et chemise blanche marquée d'un superbe logo, cravate rose.
À signaler que tandis qu'ils prenaient place, Serge Billon, vice-président de Jazzy 77, souligna la présence parmi les organisateurs du spectacle des "petites mains" qui participent activement à la soirée : Lya, Lucas et Émilie, de 8 à 17 ans. Une présence encourageante pour les bénévoles de l'association, qui donnent leur temps sans compter pour la préparation des concerts.
Donc sur scène : le leader Gérald Chauvin (membre du Hot Club de France) à la clarinette, accompagné de deux autres soufflants, Alain Perreau à la trompette et Michel Simonneau aux trombones basse et ténor ; Michel Crichton, - l'auteur me semble-t-il du logo -, au piano ; Bernard Brimeur à la contrebasse ; et Philippe Merville à la batterie. Une formation créée il y a une dizaine d'années qui se révèle équilibrée et illustratrice de grand métier, mais aussi d'une complicité et d'une osmose de jeu qui s'impose dès les premières mesures… Et l'on est rapidement sous le charme, parcourant des classiques du Jazz et du Swing d'où émergent des noms comme Sidney Bechet, Duke Ellington, Fats Waller, et bien d'autres. Des interprétations colorées, à la fois enlevées ou légères, savamment modulées et dosées au niveau des soufflants par les sourdines. Et quel jeu pour tous ! Avec une clarinette tournoyante, un piano virevoltant, presque stride, une trompette vive qui s'équilibre avec un trombone suave, une contrebasse qui rythme et joue avec netteté la mélodie, et une batterie qui accompagne le tout avec finesse… Au final, c'est tout simplement flamboyant. Et d'aucuns dans le public diront du concert, en fin de spectacle, que chaque morceau fut traité avec clarté et pureté. La classe !
Pour terminer j'ajouterai : c'est si bon d'écouter du jazz de cette qualité !
Cela pour introduire aussi cette petite anecdote, relatée par Michel Crichton, et relative justement au célèbre morceaud'Henri Betti, C'est si bon. Celui-ci avait raconté au pianiste la genèse de la composition, née au hasard d'une flânerie dans les rues de Nice, en 1947, alors qu'il regardait la vitrine d'une boutique de sous-vêtements féminins. Quelques notes (les neuf premières), qui trouvèrent leur titre avec le parolier André Hornez. Lorsque la partition fut déclarée à la Sacem et éditée aux Éditions Paul Beuscher, elle trouva bien quelques interprètes, mais des succès sans lendemain. Le temps de l'oubli avait vite fait son œuvre : un an, deux ans passèrent ainsi…
Et puis, un jour, alors qu'il se rasait, Betti entendit à la radio une voix gutturale chanter C'est si bon, It's so good : celle de Louis Armstrong ! La chanson eut dès lors un succès planétaire, qui d'ailleurs se confirma ce soir à Lorrez-le-Bocage, puisque la composition y fut jouée, s'ajoutant avec bonheur au flot musical de la soirée, si fluide entre les rives droites et gauches de nos pensées jazzistiques.


René Sopa COLLECTIF SWING - 16/05/15

La soirée du 16 mai 2015, à la Cave du Jazz de Lorrez-le-Bocage, fut particulière, car elle accueillait, une fois n'est pas coutume, un groupe de musiciens locaux né en 2006 et bien ancré dans le bocage gâtinais (à l'exception de l'un d'eux, émigré le temps d'une concert, puisqu'il vient de la lointaine région auxerroise !)... À cela s'ajoute un programme dont le répertoire s'inscrit et se centre dans la tradition swing Sud Seine et Marnaise : le Jazz afro-américain, longtemps en rayonnement à Fontainebleau, et le Jazz manouche, toujours présent à Samois lors de son festival annuel dédié à Django Reinhardt. Avec donc une ouverture culturelle extrême qui va de la Floride à la Bohême, et qui attira un public nombreux, préférant cette Nuit Jazzy à la Nuit européenne des Musées, au grand plaisir des organisateurs, souvent prisonniers de la disponibilité de la salle Sainte-Anne.
Bienvenue au Collectif Swing !  Autre originalité, les musiciens prirent place sur scène les uns après les autres, chacun prenant son instrument pour en jouer quelques mesures, le temps d'accueillir le suivant. Ainsi arrivèrent, sous les applaudissements, Raphaël Hansen le batteur, puis Vincent Gallart-Valle, le guitariste rythmique, Christophe Michaud, le bassiste, puis les guitaristes mélodiques Frédéric Varela et Hugues Renaud. Un bel ensemble essentiellement de cordes auxquelles se joignit l'invitée surprise : la chanteuse Émilie Hédou, bien connue pour sa passion pour le soul et le gospel, longtemps vedette du groupe Soul Fiction, et que l'on associe souvent à Aretha Franklin, qu'elle chante souvent, quand elle n'interprète pas Otis Redding ou encore Ray Charles…
À son propos, il me vient le souvenir d'une certaine candidate à l'émission Tout le monde veut prendre sa place, animée par Nagui, et qui fit une intervention musicale remarquée et remarquable, si mes souvenirs sont bons en 2010, en chantant, à capella, quelques bribes de "Respect” d'Aretha Franklin. C'était Émilie. Quel naturel et quel tempérament !
Du beau monde sur scène, donc, les hommes en chemise sombre et cravate gris-clair, notre vedette féminine en une tenue noire qui tranche avec sa chevelure blonde, une rose rouge sur le cœur et une belle rondeur annonciatrice d'une naissance prochaine…
C'est sa voix qui s'impose, dès les premiers instants, suave et puissante, expressive, et sa large tessiture mezzo alto fait merveille, alliée à un timbre particulièrement agréable. Son Summertime interprété en partie à capella, avec alors le seul soutien de percussions qui battent tout en finesse, est particulièrement émouvant. Elle est vraiment une chanteuse de talent, dont la présence irradie de générosité !
Côté instrumental, les musiciens ne sont pas en reste, avec un jeu fluide où l'influence de Django domine les phrasés. Les notes coulent avec vivacité, sous les doigtés experts et vifs des guitaristes et du bassiste, chantantes et brillantes, en osmose avec là aussi une présence générale, où le spectateur est sensible au plaisir qu'ils ont de jouer ensemble. On est vraiment sous le charme, porté par une ambiance musicale alternance de fulgurance et d'apaisement.
Ils n'oublieront pas que, cette semaine, le grand B. B. King a rejoint le paradis du Jazz, et lui dédicaceront en hommage "The Thrill is gone". Le regretté Patrick Saussois, autre musicien du cru, ne sera pas non plus oublié, avec "La chanson de Zélie”.
Sous les rappels vigoureux, aux environs de minuit, "Les yeux noirs” à la mode manouche et non tsigane, formeront une superbe conclusion au spectacle avec en final une accélération du rythme où les battements de mains des spectateurs auront bien du mal à se maintenir…
Et puis, en remerciements de sa prestation, une fillette conduite par Thérèse Petitprez, la présidente de Jazzy 77, Maéva, offrira un grand bouquet de fleurs Émilie, fort émue.
Quant à nous, nous n'avons vraiment pas regretté notre absence aux nocturnes muséaux de la région, et d'ailleurs, qui méritent toujours la visite !


F^te de la musique 2014


René Sopa


F^te de la musique 2014


René Sopa


F^te de la musique 2014