Le billet de Clairis 2017

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CERTAINS L'AIMENT CHAUD QUINTET– 28/01/2017

Comment ne pas vibrer, en ce début 2017, des performances d'Armel Le Cléac'h, premier du Vendée Globe, et de Francis Joyon et ses équipiers, récompensés par le Trophée Jules-Verne pour leur tour du monde à la voile. Cela redonne un peu de confiance en l'homme sur sa capacité à se surpasser alors que les vents dominants en nos pays sont porteurs d'interrogations… Quel rapport avec un concert, même au travers de quelque disgression inattendue comme celles-ci ? Ou encore comme cette autre : il y a une trentaine d'années, si ma mémoire ne me fait pas défaut, Le Figaro Magazine avait proposé à ses lecteurs une suite de reportages en des lieux exotiques et enchanteurs, sous le titre de "Cinq filles sur un bateau", agrémenté de superbes photos évocatrices du voyage et où le charme des navigatrices ajoutait au plaisir de la lecture et de la découverte. Hors, ce soir du 28 janvier 2017, s'ajoutant aux traditionnels vœux de nouvelle année, Jazzy 77 accueillait dans sa Cave du Jazz, pour parodier involontairement ce souvenir, cinq filles sur un plateau, où le talent et le métier sont aussi gages de qualité, et d'une soirée exceptionnelle, d'une autre évasion, cette fois dans le temps, car incursion dans le répertoire musical des années vingt. Dans un style que d'aucuns assimilent à celui des orchestres de Louis Armstrong, Bix Beiderbecke, Duke Ellington, Jelly Roll Morton ou Fats Waller.
Ici, pas d'océan pour appareiller, mais la scène, celle bien sûr de la Salle Sainte Anne de Lorrez-le-Bocage, animée de cinq grandes dames du jazz, aux instruments et parfois au chant : Kiki Desplat, la skipper musicale et compositeure des arrangements, au cornet ; Sylvette Claudet, aux clarinettes soprano et basse ; Nathalie Renault, au banjo ; Claude Jeantet, au soubassophone ; et la "washbordiste" Catherine Girard, la "Cajoune" qui, à deux reprises, nous a ravi avec son propre quartet - Sweet Mama - en décembres 2004 et 2015. Tout un programme, qui attira, comme pour l'arrivée à quai de nos vrais navigateurs, un public particulièrement nombreux…
Mais comme le titre du quintet l'annonce, depuis la création de la formation en 1983, pour définir leur style et leur sensibilité, en référence au film que Billy Wilder tourna en 1959 : "Some like it hot", ou mieux  "Certains l'aiment chaud" ! Alors, ne laissons pas refroidir l'intérêt possible des lecteurs pour ces quelques lignes, en laissant l'équipage musical appareiller, et remonter au temps, sous les alizés de l'harmonie et de la connivence, qui mènent à la Nouvelle Orléans et à son souffle qui enrichit le jazz des premiers temps.
La sensation de dépaysement fut d'ailleurs immédiate, dès les premières mesures, tant dans l'offre purement instrumentale mise en musique par Kiki, créatrice des arrangements, que de celle vocale en duo ou trio, parfois en chœur, qui suivit, s'intercalant dans les séquences, avec un phrasé digne des formations américaines qui enchantèrent notre jeunesse, en concert ou dans les films, installant un plaisir d'écoute permanent. Les voix de Kiki, qui n'hésite pas à chanter Mistinguett dans "Mon Homme", de Cajoune, au timbre agréable et souple, avec "Taking a chance of Love", de … ou  "The Man I Love" de George Gershwin, plongent sous le charme. Et puis, il y a la chaleur des instruments, avec les dialogues chaleureux des soufflants de Kiki et Claude, du cornet aux clarinettes soprano et basse qui, à tour de rôle, explorent des gammes complémentaires, où les notes coulent avec fluidité et onctuosité comme le flot autour de l'étrave du bateau ; avec ceux opposés de Nathalie et de Claude, du banjo et du soubassophone, l'un sec et virevoltant, l'autre grave et plein de rondeur et de gravité ; avec le jeu swingué de Catherine, maîtresse es-washboard, et dont la présence et le talent s'accomodent à merveille avec tous les instruments.
Que du bonheur, donc, au travers de titres exprimés avec une sensibilité féminine qui n'écarte pas la vigueur quand elle s'impose, à l'écoute de "Hallelujah", de …, "Georgia Swing", de Jolly Roll Morton "; "Roses of Picardy", de Haydn Wood, quelques références parmi les vingt quatre morceaux et standarts interprétés.
"Runnin' Wild", chanté en trio et ponctué d'un final enlevé, donna la raison du titre - mystérieux pour les profanes - du quartet, car morceau interprété dans le film au titre éponyme : "Certains l'aiment chaud", une histoire dont l'argument central est un orchestre de filles. D'où le choix !...
Il en ressort que beaucoup de plaisir sourd dans cette rencontre de musiciennes. Il est vrai que c'est une formation qui, hors l'arrivée récente de Cajoune, a une expérience de près d'une trentaine d'années, marquée de nombreux concerts et festivals tant en France qu'à l'étranger, et qui fut d'ailleurs récompensée en 1992 du Prix Sidney Bechet, décerné par l'Académie du Jazz… Une belle et méritée référence.
Et minuit de sonner sans qu'on s'en aperçoive, le dimanche commençant par un bis au titre à l'unisson de la soirée passée, proposé par Sylvette : le célèbre "C'est si bon". Et le public de participer, sans se faire prier, aux reprises chantées "… si bon, si bon".
Qu'ajouter vraiment ?
Merci les filles pour cette croisière musicale !


CISCO TRIO – 25/02/2017

La première rencontre de Cisco Herzhaft date d'une quinzaine d'années, alors que la Cave du Jazz accueillait son public dans l'espace "germanopratin" de l'Auberge de la Vallée, à Nanteau-sur-Lunain.
Un coup de "blues" que ces retrouvailles à la Salle Sainte Anne de Lorrez-le-Bocage, ce 25 février 2017, pour un quatrième rendez-vous ? Non pas vraiment, car du "blues" où le plaisir est au rendez-vous, avec, auprès du guitariste, les mêmes compagnons de route : Bernard Brimeur, à la contrebasse ; Patrick Cassotti, à la batterie. Des musiciens de métier et de talent, qui savent accompagner le chant avec un grand savoir-faire. Dans le programme n° 20 de 2005, Bernard était défini comme une contrebasse qui "swingue et slappe toujours avec bonheur" et Patrick comme un manipulateur de baguettes, balais ou mailloches qui "jouent à la fois tout en finesse et maestria". Des compagnons de route indispensables en osmose avec le maître, même si celui-ci peut occuper la scène à lui tout seul, comme parfois.
"Auteur-compositeur prolifique, qualifié alors par la presse de "nouveau roi de la guitare Ragtime", considéré comme un vétéran du Blues "fingerpicking" et l'un des meilleurs "sliders" d'Europe", il est toujours l'homme aux "doigts magiques", - la soirée le prouvera -, pour le bonheur de tous les présents. Et bien, ce musicien de renom, habitué des grandes scènes et festivals de France et d'ailleurs, qui avait été sélectionné pour représenter l'hexagone à l'International Blues Challenge de Memphis, début 2012, et auteur d'une douzaine d'albums, n'a pas perdu de son authenticité et de sa proximité : nous retrouvions ce vagabond du blues fidèle à lui-même, avec une empathie communicative, une présence dont les années ont préservé la passion du partage et même ajouté de la profondeur. Et le plaisir est fort d'écouter ces "chants du cœur" mis en relief avec sobriété, d'une manière presque épurée, mais aussi le support d'une extrême virtuosité de jeu, tant sur sa guitare classique que sur celle à résonateur, son dobro métallique. Et puis il y a les anecdotes, nécessaires pour l'appréciation ou la compréhension, et que l'on reçoit un peu comme des confidences. L'émotion est palpable, souvent. Ainsi lorsque Cisco évoque la naissance de sa décision de chanter le blues, au travers d'une rencontre dans le Tennessee : celle d'un vieux musicien qui en avait été l'un des chantres et qui, à plus de octante ans, sa notoriété étant passée de mode, jouait sur un piano au Memphis Center For Southern Folklore, pour quelques pièces, enfin pour survivre et se donner sans doute un peu de rêve : Mose Vinson (1917-2002). Un moment qui pourrait sembler mineur dans le voyage aux sources, peut-être, mais si fort ! Et si Cisco se donne aujourd'hui au blues avec autant de ferveur, c'est sans doute au travers de ce souvenir, et, puisqu'il l'évoque, pour aussi maintenir la mémoire de cet homme.
Pourtant Cisco a une vision réaliste de ce chant né des temps qui accompagnèrent et succédèrent à  l'esclavage. Il confiera, en introduction de son "Hospital Blues" : "Ce qui caractérise le blues c'est qu'on parle toujours de soi. C'est toujours à la première personne au singulier. Parfois c'est vrai, parfois, c'est n'importe quoi. C'est à chacun de décider de ce qui est vrai ou pas…"
En réalité, le blues chante la vie, celle des déshérités, celle de ceux qui souffrent ou n'ont plus l'espoir, avec parfois, des sursauts critiques, comme dans cette autre anecdote de Cisco, prélude à "John the Revelator". Celle d'un noir qui avait ressenti le besoin de prier. Il avait aperçu, au bout d'un chemin forestier, une petite église. À la porte, un prêtre blanc l'attendait, qui lui refusa d'entrer. Déçu, le noir s'en revint. En route, il rencontra Dieu, évoqua l'attitude des blancs. Et celui-ci de lui répondre : "Ne t'inquiètes pas ! Moi non plus, ils ne me laissent pas entrer !
La talent de Cisco est, au travers d'un spectacle si porteur de générosité dans le partage, d'harmonie de mots et de notes, qui nous fait ressentir une chaleur humaniste prégnante. Il ajoute à son sourire le timbre de sa voix, plein de séduction naturelle, le silence des paroles, quand le battement mélodique devient essentiel à l'expression et s'impose. Et s'y ajoutent, à plusieurs reprises, la complicité du public, conquis, qui accompagne la rythmique des battements des mains. Ou encore applaudit les soli qui permettent à ses compagnons de donner la mesure de leur talent de leur présence en accompagnement, donc en retrait, mais forte. Sans oublier les performances de Cisco en solo, notamment au travers du célèbre "Apache" créé en 1960 par The Shadows, ou encore d'une version ragtime originale de "La Marseillaise".
Quant aux rappels, en fin de concert, ils se feront devant un public debout, vibrant de battements de mains accompagnant la rythmique et d'applaudissements nourris. Le point d'orgue en sera le dernier titre : "Whisky", interprété au dobro. Cisco faisant résonner les cordes de la main droite, pris un verre de la gauche dans lequel sa collaboratrice montant sur scène versa de ce breuvage. Il le dégustera ensuite tout en utilisant ce verre pour presser le cordes sur le manche et créer la mélodie selon des sonorités hawaïennes.

Les dernières notes furent celles de "Il est des nôtres, il a bu son verre… " dans un rythme suggérant un abus de boisson. Superbe final où Cisco fera montre de son habilité dans l'art du "bottleneck", que lui apprit un jour, - si mes souvenirs sont bons -, le chanteur de blues et guitariste Fred McDowell (1904-1972) ! Une conclusion musicale qui, passé la standing ovation, laissera des traces chez les spectateurs, sur la route du retour, alentour minuit.


The French Project "THE FRENCH PROJECT"– 25/03/2017

Avant le concert s'était imposé dans les esprits "le projet français" pour demain, thème naturel d'une campagne électorale présidentielle, mais de grands questionnements !
Heureusement pour les bienheureux spectateurs de La Cave du Jazz à Lorrez-le-Bocage, ce 25 mars, il y avait au programme, sans autre ambition cette fois que d'apporter du plaisir, "Ze French Project", celui porté par Éric Luter, - le fils de Claude -, et son quintet.
Avec l'idée d'oublier la langue de Trump pour une traduction teintée d'humour dans la langue de Molière. Un plaisir accru par le talent et la complicité de musiciens hors pair, en parfaite osmose dans la mélodie. Avec, bien sûr, le leader, Éric, à la trompette, à la présentation et au chant ; Cyril Guyot, aux saxophones ténor et alto, et au chant ; Olivier Lancelot, au piano et à quelques répliques ; Jean-Pierre Rebillard, à la contrebasse ; Stéphane Nossereau, à la batterie et au chant.
Dès les premières notes, cela swingue et c'est enlevé, parcourant au long de la soirée la musique de standards américains, avec Ray Charles, Erroll Garner ou Duke Ellington, mais aussi de la chanson française, évoquant Sacha Dystel, Gainsbourg, Claude Nougaro, - où le timbre de la voix de Stéphane fait merveille, avec "Armstrong" et "Le jazz et la Java" -, ou encore Charles Trenet.
C'est une formation équilibrée, avec une équipe en symbiose, mais où Éric Luter ménage des temps de soli ou de duos, qui permettent à chacun de donner la mesure de son jeu : le clavier expressif, fluide et stride d'Olivier, les cordes volubiles, tant au doigté qu'à l'archet de Jean-Pierre, le jeu aux divers registres des percussions, à la baguette ou la balayette, de Stéphane, et bien sûr les mélodies inspirées des soufflants d'Éric et de Cyril. Avec souvent des duos rythmiques remarquables entre contrebasse et batterie, et des duos de scats marquants entre Éric et Cyrille.
Bref, c'est agréable, sensible, chaleureux, cela chante dans les têtes des spectateurs, quand ceux-ci n'accompagnent pas de leur voix, à la proposition du leader, des morceaux très suggestifs, dits interactifs, comme "Au fond de la Chine", "Le Livre de la Jungle" ou encore "Vieille canaille ".
Tout un parcours mélodique, donc, qui nous fait parcourir la fameuse "Route 66", au travers d'une version plus adaptée à nos habitudes : "La Route Paris-Nice”, cela peut-être non pas en automobile, dans un petit matin brumeux ("Misty"), mais plutôt à bicyclette, comme le suggère un autre compositeur évoquant sa petite reine : "Mon vélo".
Alors, pour reprendre l'un des titres bretonnant, "Un verre de chuchen", boire du chuchen, c'est mieux que boire de la verveine et ça vous met en forme, disons que le concert se termina minuit approchant, dans cet esprit.

Merci à "Ze French Project" de ce bonheur simple, mais efficace.


Jazz à Bichon "JAZZ À BICHON SEXTET"– 22/04/2017

La soirée du 22 avril 2017 était veille du premier tour d'élections présidentielles, et donc porteuse d'interrogations ou d'inquiétudes, de pronostics nécessairement hasardeux en raison de projections plaçant les quatre principaux candidats, en arrivée d'étape, dans un mouchoir de poche… Cela sous les menaces d'un attentat toujours possible… Une certaine morosité de circonstance, donc… On en a même oublié, chez les organisateurs du concert, qu'il se devait d'être fêté, ce soir-là, le 20e anniversaire de la naissance de l'association Jazzy 77, créée à Saint-Pierre-lès-Nemours pour promouvoir le Jazz et les musiques du monde, alors que ces manifestations étaient rares dans la région : c'était le 15 avril 1997. Aujourd'hui, 215 concerts ont ainsi été proposés au public, organisés par des bénévoles amoureux de la musique et en particulier du jazz…
Justement ce soir, à l'affiche de la Cave du Jazz de Lorrez-le-Bocage, un orchestre qui avait choisi un répertoire où le mot "amour" devait être le leitmotiv de nombre des morceaux proposés, prélevés dans ce jazz des débuts, qui brilla de la Nouvelle Orléans à Chicago, véritable référence à cette musique vivante de partage et de liberté qui enchante toujours aujourd'hui.
L'invité de Jazzy 77 : "Jazz à Bichon", un sextet créé en 2010 et spécialisé dans l'adaptation des arrangements des grands orchestres de danse de la Nouvelle Orléans dans les années 20 et le début des années 30, où s'illustrèrent Fletcher Henderson et Clarence Williams, ou aujourd'hui tombés dans l'oubli, comme "The Goofus Five", "The New Orleans Owls" ou "The Halfway House Orchestra". La qualité pour principe, comme en témoignent les invitations du groupe dans les grands festivals de France : Megève, où ils obtinrent en 2012 le Premier Prix du Festival International Jazz et le "In" de Marciac; et à l'étranger, notamment à Breda (Hollande), Ascona (Suisse), Edinburg (Écosse), Dresden (Allemagne),… Dans le programme, on pouvait lire qu'ils avaient joué, collectivement ou individuellement, avec de nombreuses pointures musicales, parmi lesquelles : Jabbo Smith, Doc Cheatham, Benny Waters, Bill Coleman, Wingy Manone, Wynton Marsalis, Dan Barrett, Turk Murphy, Bob Barnard, Humphrey Lyttelton, Evan Christopher, Claude Luter, Claude Bolling, Daniel Huck, Irakli, Jean-François Bonnel, Éric Luter, Guy Lafite…
Qu'ajouter, sinon que ce sont tous des musiciens passionnés de jazz, habités de swing : Georges Rolland, le chef charismatique, au cornet à piston ; Guy Champême et Renaud Perrais, à la clarinette et aux saxophones alto et ténor ; Philippe Anhorn  au piano, à la présentation agréable et pleine d'humour ; Jean-Pierre Dubois, au banjo quatre cordes et Eric Perrion au sousaphone.
En résumé, une musique pleine de chaleur et de bonne humeur propre à raviver un certain optimisme, ponctuée des duos vocaux agréables de Philippe et de Georges, et de temps d'improvisations instrumentaux généreux où excellent en particulier Guy et Renaud, en dialogues ou en soli. C'est aussi visuel, au travers de la présence en symbiose des musiciens, - chacun se levant à chaque solo -, et de compositions où les différents timbres des instruments, si l'on fait référence aux couleurs, peignent un véritable tableau acoustique, très coloré donc, tout de vibrations, avec pour preuve d'appréciation les applaudissements fidèles du public qui ponctuent chaque solo, tandis que le banjo de Jean-Pierre et le sousaphone d'Éric marquent la rythmique de leurs sonorités en opposition. Un programme parfaitement composé et équilibré, avec de surcroît un indicatif d'entrée et de final, ce qui n'est pas courant.
Comment, pour les spectateurs, ne pas remercier le groupe, minuit approchant, par une standing ovation, avec en réciprocité et récompense pour prolonger le plaisir, un bis : "Snookum" empreint de vigueur "charlestonienne", ce dont profita dans la pénombre, non loin de votre serviteur, une danseuse solitaire sortie du public.
Une soirée pour tous de délectation, invitant à déguster de la positivité.
Grand merci, donc, aux interprètes de cette musique "bichonnée" !
De quoi attendre avec plus de sérénité la surprise du second tour des élections !


Mirror "MIRROR QUINTET"– 20/05/2017

Après les turbulences environnementales où coups de vent tourbillonnants et nuées parfois grêleuses se sont succédées, mais où le choix national électoral s'est finalement porté sur un renouveau en mouvement de la politique, les conditions étaient requises pour apporter de l'apaisement et, en plus du brin de muguet traditionnel du mois, un brin supplémentaire d'optimisme… Cela fut sensible lors de cette soirée du 20 mai à La Cave du Jazz de Lorrez-le-Bocage, laquelle, pour le rendez-vous en musique mensuel de Jazzy 77, accueillait une petite formation d'esprit latino, déjà appréciée en octobre 2013 : Mirror Quintet. Le public était là. Et il fallut ajouter des chaises pour l'accueil des derniers arrivés.
La présence de ce combo était promesse de dépaysement car, bien qu'originaire de Montargis, ses envies de voyages et de partage d'impressions nous porteraient, nous le savions, des ensoleillements du Brésil aux brumes des Carpates, en passant par la Nouvelle Orléans, avec bien des étapes rythmées en chemin, sous les influences de compositeurs comme Ray Barretto, - le conquero cubain -, John Coltrane, Paul Desmond, Paquito Drivera, Eddy Louiss, Astor Piazzola, ou encore Ramón "Mongo" Santamaría… Une musique sous influence du Mirror Combo, colorée et généreuse, et exprimée dans sa plénitude avec le talent de Éric Renaud, aux saxophones dont il maîtrise tous les registres, passant avec aisance du soprano au ténor, de l'alto au baryton. Et, pour l'accompagner, d'autres talents virtuoses : Frédéric Rondeau, au piano et à l'orgue Hammond ; Christophe Michaud, à la guitare basse ; Gilles Durand, aux congas et percussions, et Patrice Ricouard, à la batterie.
Le début du concert se fera pour Éric dans la pénombre de la salle, saxophone et mélodie en bouche, pour gagner la scène où ses compagnons successivement prennent place, marquant d'abord la rythmique, puis accueillant la basse et les piano et orgue Hammond. Et c'est vite un enchantement musical, entrecoupé d'interventions décomplexées du leader qui présente chaque titre, portant des jugements préalables de nullité ou de chef-d'œuvre, réclamant avec une fausse modestie, parfois, des applaudissements anticipés. Mais cela participe à l'ambiance. On est sous le charme, prêts à déguster sans modération chaque plat musical que le soufflant ou les cordes, dont celles aériennes de l'orgue, mettent en sauce et parfument d'épices, selon les recettes éprouvées de Mirror. Certaines prennent référence, d'ailleurs, sur les compositions d'un "chef", fils du grand-père d'Éric, beau-frère de sa femme et oncle de sa fille, un certain Eddie Renaud, qui mit au menu plusieurs titres, comme "Le sens de la vie", "Bossa Flamenca", ou "Slibovitch".
C'est goûteux, jouissif, cela swingue, et conduit certains spectateurs à des pas de danses, tandis que d'autres soutiennent le tempo de battements de mains.
Il semblerait, aux dires du leader, que deux morceaux aient été empruntés à de grandes formations, l'une cinq fois plus grande, pour "Prime Suspect", l'autre vingt fois, pour "Celestin". C'est dire que l'interprétation de Mirror donne le change et est performante, ce dont nous ne doutons pas un instant. Et Éric, qui ne semble lui aussi douter de rien, au moment de proposer un langoureux "Oblivion", de Piazzola, sachant que les compagnes de plusieurs musiciens sont présentes, d'ajouter à l'adresse exclusive des nombreuses femmes dans la salle : « Avec ce morceau, les nanas sont folles de nous, et on est obligé de racheter des chemises… Alors soyez discrètes, Mesdames, car nous sommes ce soir accompagnés. Et donc, pas d'histoires avec nos chéries : mais on peut vous donner des 06, les plus jeunes des 07 ! »…
Je retiendrai pour ma part, parmi mes mets préférés, - mais ne le sont-ils pas tous ! - l'introduction apéritive avec "Afro Blue", la superbe interprétation de "Doloroso", où le chant du sax soprane nous projetterait dans la scène improbable d'un western de Sergio Leone ou de John Ford,ou encore "Slibovitch", déjà cité, pour un dépaysement sans doute un peu yiddish, ou peut-être alcoolisé, au pays de Dracula.
Les douze coups de minuit sonnant, après le bis réclamé d'un "English Man in New-York", ce sera une séparation sans hâte, pour un retour chez soi, empreint de satisfaction.


TD Big Band "TD BIG BAND" - 17/06/2017

À la veille du second tour des Législatives, les enjeux politiques étaient grands, bien qu'évidents dans les résultats. Mais c'était surtout la fête de la Musique qui importait à la Salle Sainte Anne de Lorrez-le-Bocage avec, à l'affiche de la soirée, une grande formation régionale, née au début des années 80 (officiellement en 1985) et issue de L'Harmonie de Veneux-les-Sablons. Nous avions déjà accueilli, avec bonheur en mars 2011, le T.D. Big Band et sa passion pour les grands ensembles américains des années 30 à 60 et ses incursions dans le répertoire sud-américain. Près d'une vingtaine de musiciens à recevoir, avec une équipe Jazzy 77 hélas réduite, en raison des circonstances - entre autres, la Fête de la Musique ! -, et un gros travail d'installation de la salle avec, bien sûr, le réglage de la balance et des éclairages… Le dîner d'accueil des musiciens, prévu à l'extérieur trouva refuge à l'intérieur en raison de la forte chaleur. Du stress donc, pour que tout soit finalisé à l'heure dite !
Merci donc aux bénévoles de la Cave du Jazz, pour la petite prouesse de rendre cela indiscernable aux premiers arrivants, et de trouver le sourire. Lequel était bien sûr de mise chez les spectateurs, certains de pouvoir écouter, une fois de plus, du bon jazz. Un regret, mais cela est-il imputable à la température extérieure, ce ne sera pas une salle comble !
Aux commandes, Jean-Claude Maximovitch, chef d'orchestre et musicien aux divers talents (il est aussi trompettiste et tromboniste), dont celui de concocter un programme apte à séduire chacun. Avec lui, dix-sept interprètes. Du côté des cordes, Daniel Blay, au piano ; Irina Maximovitch, à la guitare basse ; Jean-Pierre Siacot, à la guitare d'accompagnement. Du côté des soufflants, à la trompette, Daniel Barbedette, Grégory Marque, Rom Meza et Vincent Mourot ; au trombone, Jean-Claude Bron, Willy Condaminet et Antoine Feletin ; au saxophone alto, Alain Dupagne et Bernard Maréchal ; au saxophone baryton, Bernard Szlachetka ; au saxophone ténor, Jacky Borde, qui maîtrise aussi bien clarinette et flûte, et Patrice Couteau (saxophone ténor) ; et pour la rythmique, la batterie de Jean-Pierre Covolo. Pour parfaire une telle formation, il manquerait bien sûr la voix, si elle n'était présente avec deux bien jolies jeunes femmes : l'américaine Amy Kyle, fan de jazz, venue goûter, quittant Boston, les plaisirs de la France, et Myrtille Gillet, dont le prénom et le nom masquent une origine lointaine caribéenne, et qui respire de bossa. Des tempéraments qui se complètent, s'enrichissent en subtilité. Leur présence, leurs voix, enchanteront nombre de partitions, jusqu'au duo final, intitulé "L.O.V.E.", qui les réunira, minuit approchant, pour nous rappeler le souvenir d'un Nat King Cole ou d'un Sacha Distel… Mais entre temps, que de plaisir aussi à l'écoute de morceaux instrumentaux qui évoquent des grands d'hier, comme Louis Armstrong, pour son interprétation du magnifique "What a wonderful world", auquel on aimerait tant croire ;  Claude Bolling ; Duke Ellington et "Satin Doll"  ; Benny Goodman ; Antônio Carlos Jobim ; Joseph Kosma et ses "Autumn Leaves" ; Glenn Miller avec "In the Mood" ;  Cole Porter ; Tito Puente,… Et l'orchestre est à la hauteur de tous, avec une interprétation qui est la "Trade mark" , en faisant référence à une marque artistique du groupe, faite d'originalité de composition, toute de vivacité et de réactivité, mélodique, qui nous plonge au cœur des grandes formations de jadis. C'est équilibré, avec des soli qui permettent d'apprécier la qualité de jeu de chacun.
Ces musiciens, qui se disent parfois des "amateurs", ne démériteront pas tout au long d'une soirée, où le temps passe sans qu'on en prenne conscience. C'est la fatigue, peut-être, ou la chaleur, sans doute, au terme de vingt six morceaux, qui donnera le temps du break final. Mais, pour ma part, je garderai encore un peu plus en souvenir le chant de Myrtille, transmuée en Eurydice, "Manha de carnaval", petite halte au Brésil de la samba et de la légende orphique, Orfeu da Conceição, écrit par Vivicius de Moraes, et mis en scène par Marcel Camus dans son film : Orpheu Negro. Un retour en jeunesse de presque 60 ans, et une mélodie qui n'a pas pris une ride. Vraiment, que du plaisir dans ce concert !


"ÉVELYNE DUKE TRIO" - 23/09/2017

Avant les vacances, le grand changement politique de la France avait été qu'elle se dote d'un président "jupitérien", promesse de changements et, par voie de conséquences, de mécontentements prévisibles… Quant à l'association Jazzy 77, elle ne pouvait, pour sa rentrée, que surfer sur les sommets, en accueillant, par l'entremise de Evelyne Duke Trio, la présence musicale presque "hollogrammée" de Edward Kennedy Ellington, dit Duke Ellington [1899-1974], pianiste et compositeur, chef d'orchestre, l'un des plus grands jazzmen afro-américains. Un programme fastueux pour ce samedi 23 septembre !
Mais une surprise, - pour le néophyte que j'étais -, ajouta au vécu du concert prévu.
La soirée était belle alentour la Salle Sainte-Anne de Lorrez-le-Bocage. Au bleu vif du jour avait succédé le bleu sombre de la nuit, masquant sur le parking, émergeant des voitures, un curieux camping-car aux parois peinturlurées. Mais alors que le public commençait à arriver, pour l'accueillir, un piano quart de queue en était sorti, qu'une charmante jeune fille manœuvrait toute seule et avait tracté sur des roulettes jusqu'au kakémono à l'entrée de la Cave du Jazz, sous la simple lumière d'un lampadaire. Et elle s'était simplement installée devant le clavier de son Whellock, tenue noire et foulard rose, faisant surgir d'autres maîtres de la musique, ceux-là classiques : Bach et Chopin, au travers d'un concerto, d'un nocturne et d'une valse. Superbe accueil, pour lequel j'entendis l'un des spectateurs dire : « C'est un beau cadeau que vous nous faites ». Et c'est aussi cela, en parallèle à cette prestation singulière spontanée (association "Comme ça vous chante"), l'esprit de La Cave du Jazz : faire découvrir des talents, et aussi surprendre et séduire son public ! Une originalité que peu de lieux dédiés proposent avec cette volonté !
Alors, le nom de l'artiste : Alice Rosset, pianiste diplômée des conservatoires de Poitiers et de Montreuil, titulaire du Master du Conservatoire Royal de Bruxelles, qui s'est fixée le but de "réveiller les pianos qui dorment à la maison" ou de proposer son piano itinérant pour accompagner des événements privés ou animer des lieux variés ou insolites… Tout un programme !
Ensuite, le concert commença, avec un petit retard qui, semble-t-il, ne fut guère remarqué.
Sur scène, Évelyne Dumont et son clavier, avec un joli doigté, expressif, où la vivacité s'exprime entre légèreté et puissance. Une belle introduction dans l'univers du "Duke", avant que ne s'installent ses complices : Pascal Seixas, à la contrebasse, et Léo Danais, à la batterie. Et de découvrir l'univers de cet artiste exceptionnel, qui a mûri son art au cours de ses engagements new-yorkais, du prestigieux Cotton Club au légendaire Carnegie Hall, tout en cultivant une vision musicale qui sortait des canons de l'époque. Et son œuvre est immense, pour laquelle le musicien et musicologue Gunther Schuller [1925-2015] écrivit:
« Ellington composa sans relâche jusqu'à la fin de ses jours. La musique fut sa maîtresse ; c’était sa vie et il lui a consacré une œuvreincomparable et indestructible. En jazz, c'était un géant parmi les géants. »
C'est cette richesse que le trio nous proposait. Il fallait pour cela en être à la hauteur, et ce fut le cas, pour notre bonheur. Une soirée marquée donc par la découverte d'éléments caractéristiques d'un répertoire immense et divers, surprenant parfois, cela au travers d'un choix nécessairement réducteur, mais bien choisi, et interprété sous la qualité sensible et expressive d'un simple trio (alors que le "Duke" s'exprima surtout avec de grandes formations). Et de prendre conscience, au fur et à mesure du voyage, de la qualité d'interprètes des musiciens, à l'écoute des uns et des autres, imprégnés de l'esprit du maître mais fusionnels dans un jeu mélodique en symbiose, d'où émane un charme tout de sensualité. Une harmonie de jeu musical où les notes rondes du piano répondent à celles vibrantes ou veloutées, plus sourdes de la contrebasse, dans un univers musical dont le batteur fait naître le décors, tel un peintre un peu magicien tout de même, avec des touches subtiles ou fortes, souvent évocatrices, enrichies de sonorités exotiques (je pense notamment à African Flower, mais pas seulement), toujours inspirées.
Et le courant de passer avec le public, comme en témoignent les applaudissements marqués en fin de morceau, sans oublier une standing ovation finale.
Et puis, un autre imprévu intervint, à la fin des sets, avec des standards comme Caravan, In a Sentimental Mood et Take the A Train, avec un invité surprise appelé par Pascal, une guest star du nom de Oliver Griffith. Et comment ne pas apprécier ses interprétations, pour le premier morceau, à la flûte traversière, et pour les suivants, au saxophone ténor !
Superbe soirée de début de saison, récompensée par une corbeille de fleurs offerte à Évelyne par la présidente Thérèse Petitprez.
Merci, La Cave du Jazz, pour ce plaisir bien agréable de nos jours !


Old Fashion Jazz Band "OLD FASHION JAZZ BAND" - 14/10/2017

Pour marquer l'incursion surprise d'un "reliquat d'été" dans notre période automnale, - le hasard fait parfois bien le choses -, un groupe en harmonie, particulièrement "chaleureux", était l'invité à cette image de la Cave du Jazz, ce samedi 14 octobre 2017, le Old Fashion Jazz Band. Une formation bien connue de Jazzy 77, qui l'avait accueillie à plusieurs reprises, en mars 2006 et 2008 et en janvier 2011 et 2014, avec, à la clé, un succès qui n'a jamais démérité auprès des amateurs de jazz New Orleans. La fièvre musicale au programme ! Mais est-ce cela, alors que l'on reçoit des invitations à se faire vacciner contre celle grippale, qui fit que la salle ne fut pas comble, comme à l'habitude avec ces musiciens de talent ? Une question dont la réponse est peut-être la pléthore de manifestations qui inonde notre Sud Seine & Marnais…
Cela dit, nous ne plaindrons pas les absents de ne pas avoir goûté, une fois encore, à un plaisir intense d'écoute et de partage d'émotions. Les absents ont toujours tord ! Et ceux présents en furent grandement récompensés.
À la manœuvre orchestrale du sextet, Pierre Le Maistre, à la trompette, au cornet et à la sourdine pour en moduler les effets. Accompagné de Henri et Yves Gioanni, le premier à la clarinette et au sax soprano et le second, délaissant pour une fois son trombone, au saxe ténor ; de Philippe Ormancey, musicien atypique aux banjo et guitare et …vocal ; de Philippe Forestier à la contrebasse ; de Pierre Patrigeon à la batterie.
Tous dans une présentation qui respecte le spectateur, veste rouge et pantalon noir, chemise blanche et cravate. Ce qui ne perturbera pas la spontanéité des propos et des attitudes et, la chaleur de la musique et des spots aidant, fera tomber, au cours de second set, avec l'approbation demandée au public, les vestes…
Cela précisé, les notes des soufflants de fuser, dès l'introduction du concert, de se compléter ou fusionner et de se répondre, d'alimenter et d'enrichir l'expression mélodique, cuivres et cordes en symbiose. De superbes évocations, vives et colorées, sensuelles et dansantes, soutenues par une batterie à l'écoute, qui sait marquer le rythme sans excès de puissance, par une contrebasse tonique et un banjo, quand ce n'est pas la guitare, aux cordes débridées … Ils sont tous excellents, et on ne peut les différencier en la matière, mais une mention spéciale pourrait être décernée à Philippe le banjoïste, toujours en mouvement, dans une attitude corporelle expressive à souhait, avec une voix à l'unisson et aux accents irrésistibles, à l'aise dans l'évocation de timbres divers connus mais aussi des scatts vibrants d’onomatopées qui créent toujours la surprise et animent constamment son visage.
Qu'ajouter à cela, sinon que Pierre, qui avait dit lors d'un précédent concert : « Le Jazz est toujours une histoire d’amour », fera le lien entre les morceaux sélectionnés pour la soirée avec justement ce mot "amour", imaginant les tribulations d'un être en quête improbable de l'âme sœur et de rencontres, en prenant un appui, parfois hasardeux mais toujours empreint d'humour, sur les titres choisis qui se succèdent, standards new orleans ou créoles. On y croise, entre autres, Sidney Bechet (Petite Fleur), Luis Armstrong (When you're Smiling), Duke Ellington (Black and Tan Fantasy, Creole love call)
Il y eu aussi, pour nous, un moment d'émotion, lorsque le leader Pierre Le Maistre annonça le morceau "Just a closer walk with thee”, car présenté comme une pensée pour le premier leader du groupe à sa création, - que nous avions rencontré lors du concert de 2006 -, le pianiste Patrick Richard, décédé l'année suivante, un 24 août. Un grand musicien aussi !
Mais la musique, passé l'hommage, ne peut oublier qu'elle est là pour divertir, et l'invitation fut grande de faire partager au public, sous l'impulsion du maître Philippe, certains de ses scatts. Une participation qui fit vibrer à maintes reprises la salle, jusqu'au bis inévitable, où la présidente de Jazzy 77, Thérèse Petitprez, fut appelée sur scène, pour, à sa grande surprise mais jouant le jeu,… participer au chant du traditionnel "When the Saints". Morceau festif qui se prolongea dans la pénombre de la salle, parmi le public.
Une soirée vraiment inégalable, qui se termina par les remerciements du sextet pour la convivialité que lui a chaque fois réservé La Cave du Jazz, et l'implication de tous ses bénévoles pour la promotion de la musique et de ses acteurs.
Remerciements qui s'adressent bien sûr aussi au public, car sans lui ...!


Les Cordes à Léon "LES CORDES À LÉON" - 18/11/2017

Ce samedi 18 novembre, était accueilli à la salle Sainte-Anne de Lorrez-le-Bocage "Les cordes à Léon". Un quartet musicalement plein de promesses puisqu'il avait attiré un public venu en nombre pour vibrer à l'unisson. Un groupe voisin, car originaire de Bourgogne, mais porteur d'inspirations nomades propres à nous emporter bien loin dans un beau voyage en "Tziganie", sur les rythmes des horas, czardas, sirbas, danses, romances et chansons des Balkans.
On sait les musiques slaves colorées de ressentis et de sentiments vibrants, et d'imaginer les interprètes dans des tenues vestimentaires en adéquation. Celle du quartet est noire, du chapeau aux chaussures ; mais c'est une cravate rouge vif qui donne le ton, celui de la musique festive à venir.
Et puis, pour augurer de la suite, ces musiciens sont sympathiques, dans leur état d'être individuel, mais aussi, dès les premières notes, dans la symbiose d'un partage émotionnel où l'on devine l'expérience du jeu musical, mais aussi l'amitié. Et tout cela, le public ne peut que le ressentir. D'autant lorsque la maîtrise instrumentale, alliée à une sensibilité virtuose, est au rendez-vous. Et les échanges seront nombreux entre la salle et la scène, avec accompagnement de battements de mains ou d'onomatopées. Sans oublier les rires très fréquents du public, conquis par les digressions pleines de bonhomie ou d'humour du leader. Car celui qui excelle dans le contact avec le public, c'est lui, Jacky Lignon, à l'accordéon et au chant, avec une convivialité qu'accompagne une voix puissante et multiforme, parfois gouailleuse et rocailleuse, et toujours chaleureuse. Il a l'expérience des orchestres de variétés et même du cirque et du théâtre, sans oublier sa rencontre avec Richard Galliano et Daniel Goyonne qui lui fit découvrir l'univers du jazz, l'improvisation, et, au travers de tout cela, le goût de la musique du monde. C'est lui qui a créé, en avril 2013, le groupe, ouvert sur les mélodies d'Europe centrale. Avec des compagnons qui ne déméritent pas et ont des parcours jazzy élogieux : Vincent Pagliarin, au violon (qui fit une tournée, en 1992, aux côtés de Michel Petrucciani) ; Greg Teyssier, à la guitare, et Joël Picard, à la contrebasse. Les mélodies reposent bien sûr sur les chants complémentaires du violon et de l'accordéon, mais la présence rythmique des autres cordes portent avec générosité une expression musicale attractive. Cela au travers d'un répertoire qui explore des titres traditionnels, dont "Romance et Czardas" de Vittorio Monti, mais aussi, de temps à autre, de belles compositions originales, telles "Le chat est casse cou", de Vincent ; "Voyage aux Carpates" et "Week-end Ukrainien", de Jacky. Du bel ouvrage, où Brahms sera convié, avec une "Danse hongroise", - la n°5 -, interprétée conjointement avec une "Czardas" de Monti, par Jacky et Vincent, en acoustique dans la pénombre de la salle, au cœur du public. Moment intense d'émotion, à l'ouverture du second set, avant qu'ils ne rejoignent la lumière des projecteurs.
Sensations que l'on retrouve aussi, lorsque le rythme s'accélère, que les doigts ou l'archet de plus en plus véloces font vibrer l'air ou les cordes, et jongler les notes…
On est ailleurs, dans une ambiance sonore intemporelle, dans des paysages ou des villages, perçus dans l'imaginaire de chacun, au gré de pérégrinations qui mènent en Macédoine, Hongrie, Bulgarie, Roumanie, décrits parfois au travers d'un texte "rom", resté mystérieux pour notre compréhension (et celle de Jacky).
Pendant ce temps, discrète en fond de salle, non loin de la régie, la silhouette toute en souplesse et arabesques d'une jeune femme évoluait sur la rythmique, surprenant de temps à autre mon regard : Hortense est son prénom, qui personnifie bien le partage musical de cette soirée !

Merci donc à tous les participants, musiciens et spectateurs, pour ce spectacle total, qui fut particulièrement chaleureux.


Santana Garden Septet "SANTANA GARDEN SEPTET" - 16/12/2017

Ce mois de décembre aura mis le focus sur de grands artistes : pour beaucoup, la disparition de Johnny Halliday, et pour La Cave du Jazz, afin de fêter sa fin de saison, l'évocation d'une célébrité de la musique jazzy : Carlos Santana, l'un des créateurs du rock latino, mais qui a excellé dans d'autres genres : blues rock, jazz fusion, free jazz, rock psychédélique, rock instrumental. Un musicien exceptionnel, compositeur, chanteur et guitariste. De 1972 à 2017, il a enregistré quatorze albums en solo, auxquels s'ajoutent, depuis 1969, une quarantaine, enregistrés en studio ou en live. Sans oublier les compilations ! Voilà pour ce musicien à la notoriété internationale et que d'aucuns considèrent comme l'un des plus grands guitaristes de tous les temps : le 15e, en 2003, pour le mensuel Rolling Stone.
Pour évoquer la musique de ce personnage d'exception et fêter, à quelques mois près, le 70e anniversaire de sa naissance (un 20 juillet à Autlán de Navarro, au Mexique), il fallait un groupe qui avait la stature de cette évocation.
C'est ainsi que Jazzy 77 avait invité, ce samedi 17 décembre à la salle Sainte Anne de Lorrez-le-Bocage, le Santana Garden Septet, qui proposait un voyage dans le "jardin" de Santana, dont les fleurs étaient prélevées, d'après leur plaquette, dans des albums tels que Abraxas (1970), Caravanserai (1972), Welcome (1973), Borboletta (1974) ou The Swing of Delight (1980), une période jugée par beaucoup comme la plus importante du musicien, « car la plus qualitative et la plus mystique ». Et dont Santana Garden évoque, dans son titre, l'esprit "fusion", « … où jazz, musique brésilienne, latin rock et musiques africaines se mélangent joyeusement ».
Un programme "coup de cœur" qui ne pouvait qu'attirer le public, et il vint très nombreux, dépassant les prévisions, tant qu'il fallut rajouter à la hâte des sièges.
Du bonheur pour les membres de La Cave du Jazz, et un grand moment musical en perspective.
Sous la houlette de Lionel Simonian, le guitariste et leader ; Wladimir Msika aux claviers (piano et orgue) ; Alain Szpiro, aux sax ténor et soprano ; JR Edart à la basse ; Martial Journo, aux bongos, timbales et percussions ; Miguel Gomez, aux congas, et Pablo Mundele, à la batterie.
Et dès les premières notes, avec une œuvre tirée de l'album Freedom (1987) et dédiée à Nelson Mandela, de se trouver transporté dans un univers multi-sons et multicolore, porté par une rythmique riche des timbres des diverses percussions qui s'ajoutent à la basse, des congas afro-cubains aux bongos et timbales, qui, tels des battements de cœur, accompagnent les mélodies lyriques de la guitare, des saxophones et des claviers. Une évocation impressionniste fidèle au maître, où apparaissent parfois les signatures de compositeurs tels Armando Peraza, Antônio Carlos Jobim, Tito Puente ; une musique pleine de chaleur, créatrice d'une atmosphère exotique sensuelle, parfois apaisée mais surtout enfiévrée qui, en d'autres lieux, dans un cadre vraiment équatorial, pourrait amener à la transe. Les musiciens paraissent porter avec rigueur le poids de cette responsabilité d'hommage au grand Santana : le visage de Lionel, en particulier, est grave, mais son jeu vif et expressif à la guitare, la vivacité des mains créatrices de pulsations des autres, donnent vie au propos, porté aussi par les touches des claviers et le souffle des saxophones, des musiciens tous en grande symbiose de jeu. Et cela ne peut que toucher les spectateurs au plus haut point. Il n'y a pas seulement de leur part les battements de mains qui accompagnent les évocations musicales, il y a ce ressenti de partage qui touche à la fois l'esprit et le corps, engage à la danse et conduit certaines des spectatrices, en fond de salle, à se laisser aller à l'exubérance des notes et s'abandonner aux mouvements générés par la musique.
De ma place, en fond de salle, mon regard passe ainsi de la lumière à l'ombre, des éclats de reflets sur les instruments aux silhouettes sombres qui animent la pénombre. L'une d'elles se sera donnée, toute la soirée durant, aux efflorescences musicales, silhouette fine qui donna parfois l'impression d'un oiseau qui cherche à prendre son envol. C'est Annette. Très peu l'ont sans doute remarquée. Mais pour le voyeur jazzy que je devins, ce fut un plaisir de voir combien la musique du Santana Garden fut appréciée et vécue. Par elle et, bien sûr, pas seulement. Car, à dire vrai, il fallut un bis (Oye Como Va), pour que le concert prenne fin sous de vifs applaudissements, et que l'on songe à se séparer…
Une soirée marquante, donc, pour ce dernier concert de la saison.