BELISAIREIRE
Samedi 15 juin 2019
Daniel CHAPY : accordéon cajun, chant
Philippe DELAGE : guitare, banjo, chant
Christian FEVE : violon, chant
Jean Pierre PICHOT : basse, chant
Viviane MARTINET : ti’fer,frottoir
Doc MARTINET : ti’fer

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C'était comment ?
Presse
 



Photos : Valérie CARREAU



Vidéo : Jean-Michel MOREAU

C'était comment ?

Belisaire ou la salle de danse mentale

Pour sa dernière de l’année, La cave du jazz invitait la musique cajun à la volonté dansante affirmée. C’est le groupe Belisaire créé depuis 1994 qui s’est chargé de nous apprendre l’origine de la musique country, la naissance d’une région, La Louisiane et ses migrations canadiennes et françaises. Musique populaire complexe : tout bouge, migre, les différences et les genres s’espacent pour se définir par des limites indiscernables et Belisaire laissera ainsi une grande place au zydeco noir .

Mais ce sont des musiciens résidents des Yvelines et de Nanterre qui se sont chargés de nous transmettre leur passion pour ce monde lointain et passé avec et leur imprégnation culturelle fascine. Le cajun de l’Île de France ...Empathie totale jusque dans la manière humoristique de parler entre les morceaux, ce vieux français transformé par une distance radicale et par le temps nous est retransmit fidèlement par nos contemporains. Cette incarnation interroge. D’où viennent ces musiciens qui se sont imaginairement transposés ? Ce qui n’empêchera pas, hors scène, le discret joueur de triangle de nous conter ses voyages en Amérique pour nous défendre politiquement une autre, celle du travail manuel et des des petites gens. Avec la musique cajun nous avons à faire avec une musique véritablement populaire issus du travail agricole et Bélisaire s’est attaché à nous le faire comprendre en quelques mots explicatifs très visuels parfois puisque la pédagogie était nécessaire. Mais le plus souvent la découverte était frontale et nue, le public butait à cette fidélité à un genre qui ne disait rien de ses traductions ou ses propres inventions. Et c’était cela qui était beau, comment découvrir sans filet une musique que le groupe lui même joue à sa manière puisque il y aurait, de leur propre aveu, de nombreuses façon de la jouer. Fidélité et infidélité s’enlacent devant le public néophyte qui apprend les pas, se familiarise avec ce verbe ancien et décalé, par des passionnés dont nous ne saurons jamais les raisons et les causes d’être devenu aussi acteurs empathiques de leur enthousiasmes...

Belisaire, du nom d’une salle de danse de Louisiane, tirée d’une très ancienne chanson... L’imaginaire mythique en découle : tout est là pour faire jouer l’âme. C’est la poésie flaubertienne du nom propre qui lui parle mais aussi un choix important. Dans Gilda de Charles Vidor, la salle de jeu se cache derrière le miroir, ici ce qui nous est présenté poétiquement et inconsciemment est une salle de danse d’un autre temps. On rêve donc par le nom propre mais on insistera lors du concert à concrétiser cet imaginaire et donc imposer un espace pour les danseurs au devant d’une scène que l’on délaissera. Modestie d’autant plus audible que l’électricité est réduite a son minimum, soucieux d’authenticité et d’humanité. Cette façon là de se concrétiser fait de Belisaire beaucoup plus qu’un groupe folklorique, le travail de l’inconscient devenant vivant. Proche des gens, Bélisaire a commencé son concert par un cours de danse, descendu bas de la scène, sans micro, les voix discrètes malgré la richesse des tons et du vocabulaire laissant place à l’autorité des instruments propre au cajun : le violon, l’accordéon, la guitare sèche, le triangle et le frottoir. Ensuite, une basse et une guitare électriques viendront pourtant trahir cet authenticité et paradoxalement asseoir l’homogénéité du groupe. La valse et une sorte de madison cajun s’éduqueront par deux danseurs, les vrais étoiles du concert, faisant partie intégrante du groupe, avant que le traditionnel concert ne reprennent ses droits. Belisaire remontera donc sur scène dérouler sympathiquement leur passion d’un monde sans doute à jamais perdu sauf sur le plan psychique.

Fletcher Christian, le 16 Juin 2019



L'Éclaireur du Gâtinais (19/06/2019)


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