SMILE QUARTET
Samedi 16 juin

Huguette PAYET : chant, basse
Gilles BESSE : guitare
Fabrice JIMENEZ : batterie
Vincent LEPOIVRE : clavier

Qui sont-ils ?
 
C'était comment ?
 
Vidéo



Photos : Valérie CARREAU



Jazz, l’Art du bonheur sera féminin

Pour la dernière de la saison et devançant d’une tête la fête de la musique, La Cave du Jazz choisit de donner sa chance à deux groupes locaux, provenus de Samois sur Seine, village du célèbre guitariste Django Reinhardt. L’entrée est libre, la rémunération au chapeau. Une fin d’année qui augure bien des prémices de toute forme d’Art par la modestie des intervenants : ils décidèrent eux-mêmes d’additionner leurs forces, juxtaposition le temps d’une soirée dont la gratuité sera réjouissante pour qui se lasserait de l’idée de profession. La musique comme Elvis Presley chantant au restaurant : Sunday morning band et Smile quartet ont la simplicité des origines, celles de se reconnaître et se rassembler pour jouer en se coltinant à plaisir les reprises admirées de grands prédécesseurs.

Leurs playlists très étudiées s ‘exercent avec l’ampleur émotive que suppose un choix radicalement mainstream. À la pédagogie paradoxale du secret on préférera la redécouverte des tubes et des standards, celle du trop su et trop connu, rendu quasiment inaudible de par le désamorçage inhérent aux effets pervers du culturel : l’oubli poussiéreux, l’éventement du vin, la taie dans l’œil par une trop grande mise en lumière, les morceaux de création catéchisés et placardisés par les raisonnements hiérarchiques de l’Histoire … Mais on quêtera et enquêtera tout de même à l’air libre, insoucieux du rare et de l’underground. Cette ampleur donc, toute seule réservée à l’auditeur, comme une caisse de résonance de l’inconscient collectif qui pointerait notre sensible réactivité, des premières notes étonnées jusqu’à la baignoire trop chaude de la mémoire, le temps de réminiscence d’une chanson tout entière. Préméditation du spectacle, et tout ce qui devra plaire ou résumé identitaire ? Mission prosélytique ou modestie de qui aime à partager au premier degré ? Savoir faire prévoyant le désir de l’autre ou snobisme inversé ? On se mesure ambitieusement aux grands de par notre propre discrétion, on brûle au soleil du succès qui s’avérera à la réflexion méritée parce que nous aimons beaucoup trop notre nuit. Pourquoi admirer lorsqu’on peut travailler ? Alors on puise et on se confronte à découvert. Dans la carrière, la mine à ciel ouvert. Pas d’apnée créative, on respire ici largement la fouille et on cite, on interprète. Il y a tant d’or à empoigner aveuglement dans l’Art. Le problème du goût étant une autre question encore ; mystérieusement simultanée d’abord, consécutive en tant que guerre ensuite.

Nos deux groupes auront chacun choisi de ressusciter cette orfèvrerie référentielle de manière et méthode absolument contraires. Fidèles à la mélodie – malgré deux soudaines pannes de lumières qui vinrent révéler une rage carnassière, aux cuivres fortement libérés, étonnants de joie dionysiaque dans l’obscurité d’une salle surprise – le Sunday morning band s’en remet à la voix sensuelle de Diane de la Fregonnière et aux talents appropriés des saxophone et trombone, Laurent Rousset et Samuel Hooge. Avec eux, on la jouera volontiers au mérite. Du cran, pas de honte, on se hisse à niveau et on fait bellement le boulot. Le Smile Quartet préfère lui la réinterprétation ludique de morceaux qui, malgré une présentation pleine d’auto-dérision, se définissant comme Jazz et « violemment » Groovy , s’apparenteront plutôt au Funk qui leur permet, de par la nature de sa grille, une improvisation constante. Très joueurs, ils amalgameront plusieurs thèmes et joueront de la dissonance des genres, témoins le mix entre une rengaine télévisuelle et une chanson disco, ou une célèbre litanie hard rock trempée dans la souplesse du jazz fusion.

Aussi ce concert qui voit double se lie à la vocation proprement singulière de la Cave du Jazz qui avalise ainsi cette présence parmi nous… Le point commun c’est en effet de définir le Jazz – ici au sens large, la musique même – comme un Art du bonheur. « On a chaud, on est triste, mais on est heureux ! ». Ce sont les derniers mots clamés pour clore la soirée (et l’année) d’Huguette Payet, petit smiley de joie dansante et communicative, qui illumina la soirée de son jeu de basse, filet intermédiaire aux questions-réponses des pianiste et guitariste Vincent Lepoivre et Gilles Besse. L’Art du bonheur c’est ce sourire-là, de deux femmes, deux chanteuses différentes jusqu’à en être opposées, réellement bluffantes sous la fournaise des sunlights, îlot chaleureux dans une nuit noire. Elles me conquièrent et donnent une direction certaine, pour qui, comme moi, se remet toujours cruellement en cause, et la vie avec… C’est dit. Jazz, l’Art du bonheur sera féminin ou ne sera pas !

Fletcher Christian, le 15 Juin 2022


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