Maddy O Trio

20 novembre 2020

Maddy ORSINET: chant
Paco Man'Alma : piano, chant
Miguel GOMEZ : congas, percussions, chant

 

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Photos : Valérie CARREAU



L'Éclaireur du Gâtinais (01/12/2021)

Maddy o trio, prélude à un soleil noir caribéen

Miguel Gomez nous revient, dans sa voiture, à 17 heures, un peu perdu devant la pente qui mène à l’église. Il cherche la Cave du Jazz, et avec enthousiasme, sans pourtant nous reconnaître, explique comme si cela allait de soi, dans la grisaille de Lorrez le Bocage le pourquoi de sa recherche mais aussi ses projets musicaux à venir. Comme ça, comme à n’importe qui propre à recevoir les enseignements d’une passion depuis sa portière entrouverte. Voilà qui en dit long de la bonne rondeur chauve de cet homme de mouvement qui, sans cesse propose à qui le voudra de nouveaux groupes, de nouvelles prestations.

La Cave du Jazz est maintenant une habituée après ses deux premiers passages où les Compadres de la Salsa ont conquis tous les cœurs. C’est en trio latino-caribéen qu’il se propose à une nouvelle incarnation, une proposition intimiste de succès locaux devenus interplanétaires, mais transcendée, arrangée avec une très grande finesse par l’autre base de ce parfait petit triangle acoustique, le pianiste Paco Man'Alma. Le temps de deux instrumentaux introductifs, la diva Maddy Orsinet se fait un peu attendre… Et puis c’est la jaune apparition post-fellinienne ! Eclipse solaire totale et péroxydée ! La Martinique se revêtant de la dorure lumineuse des feuilles d’or de l’icône byzantine ! Un soleil maquillé et deux ombres toutes de noirs cravatés, nos musiciens sont résolument impeccables. Il y a un sérieux du swing qui n’appartient pas à tous et qui est aussi mal partagé, mal distribué. « L’avoir ou pas ! » voilà ce que martèle Miguel Gomez à chaque répétition. Pragmatique et douce cruauté, étonnante pour quelqu’un qui comme ses deux acolytes sont des pédagogues assumés.

L’entreprise est sincèrement avouée : « Martiniquiser vos corps contre le froid du dehors ! ». Innocents martyrs que nous sommes !. Elle ferait frémir de peur nos frileux politologues extrêmement droitiers d’aujourd’hui. Pas le public de la cave du jazz qui reçoit l’injonction colorée dans la pénombre du spectacle avec le sourire de l’acquiescement. « Prêt pour vibrer ? » nous avait prévenu Miguel Gomez. Et c‘est sans doute pour cela, qu’au premier quart du set, une mystérieuse envie de pleurer envahira votre serviteur, qui disparaîtra ensuite non sans laisser des curieuses interrogations… Peut-être une certaine empathie avec une chanteuse qui ne se cachera pas : la redécouverte d ‘un public depuis maintenant un an et demi lui fera perdre un moment la voix, avouer son trac et son immense sensibilité. Ou la virtuose intimité des reprises très, trop célèbres…. Ou le discret taraudement proche du romantisme qui leur font achever presque systématiquement les dernières mesures de leurs morceaux comme Chateaubriand termine ses chapitres dans ses mémoires d’Outre-tombe, c’est-à-dire en goûtant pour notre trio la douceur d’une mélancolie un rien moins sombre que notre célèbre écrivain mortifère, il est vrai. Même romantisme encore plus exposé, entre deux réjouissement caribéens, comme cet aparté drôlatique au piano d’un passage maladivement chopinien… Ou plus provocateur dans la réunion des contraires : la créolisation du Paris existentiel d’Aznavour loin des tristes grisailles du peintre Buffet, ce qui vaut tout aussi bien d’Edith Piaf puissamment et brillamment perdue dans les soleils de Cuba, des Antilles, de Miami, de la Jamaïque… Soleil noir caribéen, discrètement amusée de la mélancolie.

« Mais maintenant on part où ? »La réponse ne se fait jamais attendre et la rondeur chaleureuse s’égrène souriant pour toujours un peu plus de sensualité et de désir d’amour… « Cha cha cha cha … » susurre notre diva dorée et adorée provenue des 100 kilomètres parcourus depuis Paris pour écouter le chœur de son nouveau public... « Soleil, soleil ! » comme en écho dans la pénombre du joli nombre, celui d’un public post-covid qui revient enfin doucement et modestement chantonner dans la salle enluminée des musiciens virtuoses et solaires.

Fletcher Christian le 21 Novembre 2021

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