Sébastien TEXIER, Dreamers QuartetA
samedi 13 avril 2019

Sébastien TEXIER : saxophone, clarinette basse
Pierre DURANT : guitare
Olivier CAUDRON : orgue Hammond B3
Guillaume DOMMARTIN : batterie


Qui sont-ils ?
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C'était commment ?

Presse

 

 

Photos : Valérie CARREAU



Vidéos et montage : Jean Michel MOREAU

C'était comment ?

Le Dreamers quartet ...et le rêve devint réalité

Le Dreamers quartet, le groupe de Sébastien TEXIER, est venu à la Cave du Jazz avec la plus grande exigence de pensée nous parler exhaustivement de variations sur un même thème, le rêve, par des compositions toutes personnelles. Si les références sont avouées en grand écart - Ornette Coleman en première partie et Paul Motian en deuxième – ils nous gratifierons aussi au beau milieu du concert d'une seule reprise à découvrir mais dont on oubliera la divulgation, un standard mystérieux masqué sous le travail de l'identité.Rêveurs, nous sommes aussi dans l'énigme.

On est surtout proche du concept, de l'idée de base qui aimante les individualités en charge de prendre leur propre liberté de solistes.Opération de respiration, sorte de systole-diastole cardiaque entre l’homogénéité du groupe jouant ensemble et l'écart des soli obligés de la virtuosité jazz.Le poumon du groupe joue ainsi de cette respiration individuelle et collective. Pendant les balances, pareilles, si chaque instrument se vérifie et s'optimise on allongera l'exercice pendant vingts minutes quitte à en oublier l'apéritif des accueillants bénévoles pour encore et toujours jouer ensemble.

Ce plaisir, ce sourire bienveillant du leader qui regarde son groupe jouer sans lui, de côté, tel l’œil du Prince du grand théâtre ou tout aussi bien, même si le Dreamers quartet est plus proche de Cineccita que d'Holywood, comme dans Rio Bravo d'Howard Hawks, comédie musicale sous le masque du western où le chant de Dean Martin couché, rasé, lavé, signifie sa rédemption régénératrice sous l’œil bienveillant du héros sans faiblesses John Wayne. De même, Le Jazz sera un art du bonheur, celui de voir l'autre jouer. Même une marche pour commémorer les attentats contre Charlie Hebdo n'empêchera le batteur de sourire, avide du jeu allègre de son camarade. Pas d'affectation donc même dans le grave.Pendant la répétition c'est le guitariste Pierre Durant qui sautera de scène en s'autoproclamant artiste maudit et criant que « c'est Coltrane qu'on assassine », par un long rire d'extraverti.Peu de place au martyr obligés du Jazz donc mais un grand plaisir qui ne s’embarrasse pas de jouir quand bien même le travail en concert se fait dans le plus grand sérieux.

Car conceptualiser et jouer le rêve, le traduire, en rendre compte musicalement dépassent la création d'un univers ou d'une atmosphère de par une réelle présence sonore et sa très grande amplitude sur nos sens.Le rêve, ici est comme un souhait collectif plutôt qu'une introversion. Pas de nombrilisme chez ces rêveurs, pas de monde intérieur, seulement une grande exigence de pensée, une capacité qu'un auditeur avouera au final à un Sébastien TEXIER ravi : « vous m'avez fait m'envoler ».Car le rêve ne suppose pas le désordre.

Rêver ensemble, une marche, un artiste, l'amitié, le paysage, une qualité de douceur, ce n'est pas de l'étrangeté ou du dépaysement. Rien de psychédélique dans ces rêveurs sinon rendre le souhait le plus concret, le plus vrai comme rêver sait si bien nous tromper par son illusionnisme. Pas d'édulcoration ou de déformation mais au contraire une vraie attention à la qualité des choses qui font du rêve une réalité toute tangible.On pensera au rêve défini par Tarkovski ou Bergman filmé aussi réellement que le récit prosaïque. Ce sont des songes vrais, fait de bois, de cymbale et d'orgue, le parti pris est des plus réalistes. Pas de distorsions mais une qualité de son optimale - frappante et saisissante dès les répétions - qui immanquablement me fait me rappeler la théorie des correspondances chère à Charles Baudelaire.

Par la qualité sonore, rejoindre d'une certaine façon, tons et couleurs, sound and vision, le paradis de la peinture.Ces rêveurs exhaussent leur jazz pour un rêve d'art. En l'occurrence un Paul Cézanne ne serait pas loin, lui dont la touche onctueuse de gris moyen rêvait au milieu de sa vie un éden à lui réservé, lui dont la qualité picturale révélait la « gomme » calorique d'une pomme en saladier si peu comprise par André Breton , le bois d'une table ou le blanc épais d'un drapé pour finir par inventer un paysage comme rimbaldien et avant de mourir, dessiner à l'aquarelle un jardinier tout christique.Voilà à quoi ce quartet de quatre garçons dans le vent du rêve me font penser ; j'accède.au rêve comme une qualité concrète, surréelle, une valeur sonore qui rejoint la touche picturale et fait de tout les soli des plumes au chapeau conceptuel, celui de la pensée du rêve mais aussi du désir mélodique. Le rappel en fin de concert sera comme une ouverture à l'expérimentation « bruitiste », attentive à l'âme des instruments, qui fera s'exclamer, en final, par un président de la Cave du Jazz échevelé, conquis comme tout le public, cette expression très juste : « Il semblerait que le rêve ait dépassé la réalité ! ».

Fletcher Christian, le 14 Avril 2019

 

 

 

Éclaireur du Gâtinais (24 avril 2019)

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