MÉGASWING

samedi 22 janvier 2021

Pierre Louis « Pilou » CAS : saxophone
Claude BRAUD : saxophone
César PASTRE : Orgue
Jean-Philippe « Fifi » NAEDER : percussions
Stéphane ROGER : batterie

 

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Photos : Valérie CARREAU

 

Vidéos : Jean-Michel MOREAU

Megaswing, c’est jouer de concert

Old way is the new way ! À la cave du Jazz l’année recommence avec les anciens, de ceux qui depuis trente ans entretiennent une vraie flamme antérieure. Le swing d’avant le Bop, le New Orleans more revisited ! Megaswing, quintet basé sur le duo des saxophonistes Claude Braud et Pierre Louis « Pilou » Cas, nous initiera avec énergie à une certaine idée musclée de la performance musicale en réponse à leurs modèles.

Oui, mais c’est à une curieuse inversion que nous avons à faire : ces deux musiciens aguerris, rompus aux trois concerts habitués par semaine, nous prennent aux tripes dès le premier set et, le travail de sape et de saisissement effectués, ils pourront alors s’adonner dans une deuxième partie bon enfant, à un faux rythme bonhomme qui, s’il ne se délitera pas, permettra cette fois plus de suavité.

Leur règle, nous la nommerons en effet classicisme : se la jouer ensemble, de concert en somme, principe sans aucun doute nostalgique, bien après les grands big bands d’antan mais réservé comme spirituellement au seul duo : le fantasme de la fanfare à deux, ni plus ni moins. Bien sur, Jazz oblige, nous aurons droit aux «esseulements» virtuoses, mises en valeurs des sections rythmiques et de l’organiste César Pastre, l’élément juvénile du groupe, et aux présentations de ce qu’ils appellent leurs «douceurs» c’est-à-dire le duo d’un orgue et d’un saxo, celui-là devenu un moment orphelin de son alter-ego jumeau. Nos deux héros regarderont aussi de grands espaces réservés au restant du quintet avec la bienveillance, coté cour et jardin, de John Wayne envers le chant de Dean Martin, Walter Brennan et Ricky Nelson dans Rio bravo. La référence au western n’est pas ici anodine. Il y a un silence de vieil héros chez nos deux musiciens propres à se faire gentiment moquer par leurs jeunes condisciples qui n’oublieront pas d’être à leur service. Et la deuxième partie du concert ne se privera pas de dérision… Mutiques, les deux leaders reçoivent louanges et gentilles railleries de l’excellent batteur Stéphane Roger, Hérault du groupe, avec la même expérience, la force tranquille et souriante, la passivité silencieuse propre ensuite à l’activité hyper sonore de leurs instruments… La leçon est de toujours revenir à l’unisson, amis depuis toujours. L’exception intitulée Megaswing bues, présentée comme une battle des deux instrumentistes ne faillera pourtant pas à la ligne de conduite, échange dialogué à l’origine certainement parodique, très vite au milieu des soli départagés, s’accompagner au code à coude, jouer de nouveau ensemble reprendront vite leurs droits. Ceux à quoi on ne déroge pas.

C’est d’un vieux poche élimé de ma bibliothèque que je retrouve l’analogie adéquate. Dans Laterna magica, Ingmar Bergman nous conte ses débuts au sein du théâtre suédois : en spectateur peu expérimenté, il ricane des répétitions d’un metteur en scène confirmé, méticuleuses à l’extrême jusqu’à en oublier l’esprit. Question de méthode peu au goût de sa jeunesse… Mais devant les yeux du jeune idiot c’est toute une horlogerie qui finalement se met en branle, les cuillères dans les tasses de porcelaine tintent, égales aux dialogues, aux mouvements et frottement de robes… Voici la leçon qu’a reçu et retenu, bouche bée, ce « petit con » d’Ingmar. De son propre aveu. Et c’est à quoi je songe quand je vois ces deux vieux solistes jouer de concert plutôt que d ‘échanger, dialoguer, répondre, varier, digresser, afin de mutuellement se mettre en valeur… Leçon de classicisme dirons-nous. Leçon aussi de franchise sonore et de frontalité camarade.

Reste cette curieuse reprise de la Marseillaise, peut-être un pendant swing à Albert Ayler ? Faut-il y voir la légère et toute puissance du swing qui peut se permettre de reprendre n’importe quoi, même l’hymne le plus pesant qui est pourtant le nôtre ? Acte intraduisible, apolitique, sinon celui de l’orgueil d’un médium : tout est swing même notre époque ou malgré notre époque. En rester là ne serait pas de notre quintet : une jeune femme, compagne de l’organiste, montera, depuis le public, et chantera superbement en français le dépassement de toute forme d’interrogation en une belle ode à Montargis.

Fletcher Christian, le 24 Janvier 2022



Éclaireur du Gâtinais 2/02/2022

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