Clarinet Connection | Kamlo Quartet | Philippe Duchemin | |
Maxim Saury | Little Magic sam | Fidgety Feet Jazz Band | Raphaël Faÿs |
Manzanas | Susanna Bartilla | Hammondeon |
MANDA DJINN 12
janvier 2007
Manda Djinn,
c’est d’abord une voix, que nous avions définie techniquement
dans l’annonce de notre programme, au travers d’une tonalité
mezzo-soprano caractéristique, d’une tessiture étendue et
d’un timbre plein de chaleur et de sensualité, une voix exceptionnelle
donc, à l’aise du gospel au jazz, en passant par le blues, toujours
expressive, avec une intensité et une subtilité incomparables,
qui parcourt les octaves, de l’aigu au grave, avec une désinvolture
apparente qui ferait presque oublier le travail et l’exigence qui se cachent
derrière l’aisance. Manda Djinn, c’est aussi un état
d’être, une proximité, un partage… Elle ne résiste
pas à quitter la scène pour parcourir la salle et accroître
sa proximité avec le public, qu’elle sollicite de temps à
autre pour accompagner son chant. Mais sa simple présence est déjà
séduction, du visage, parfois balayé d’une mèche
rebelle, illuminé d’un regard pétillant et d’un sourire
plein de charme, à une silhouette où la souplesse et la gestuelle
sont harmonie… Qu’elle chante ou qu’elle danse, elle est un
cocktail de ravissement. Cela sans compter les musiciens de talent qui l’accompagnent,
avec un grand professionnalisme, comme Jerry Edwards au trombone, Gilles Réa
à la guitare, Stéphane Boutrit à la basse, François
Réau à la batterie… Leur apport concourt certes à
l’harmonie, porte la voix, apporte le dialogue instrumental, mais Manda,
à capella, c’est déjà inoubliable. L’impression,
dans la pureté du silence, subjugue. Elle est une “diva”
du jazz, mais qui, cerise sur le gâteau, ne se prend pas pour une diva.
N’avoue-t-elle pas, en confidence, qu’elle fut danseuse de claquettes
avant de se donner au chant, et que si elle n’avait pas fait tout cela,
elle aurait été clown ! Peut-être pour faire partager sa
bonne humeur et beaucoup de cœur, comme ce 13 janvier à la Cave
du Jazz… On n’oubliera pas ce chant qu’elle offrit à
la mémoire de Sarah Vaugham, cette grande dame du jazz qu’elle
aimait, “Sarah”, pour laquelle il lui fut peut-être difficile
de trouver les mots justes, mais que sa voix fit revivre avec beaucoup de tendresse.
Et puis, à l’adresse du public, ce “Nothing on my mind but
loving you”, qui est, dans le titre, à l’image de ce qui
motive la grande chanteuse…
Merci, Manda, pour cette grande soirée !
CLARINET CONNECTION 10 février 2007
Quintette original
que ce Clarinet Connection, que nous avions déjà apprécié
en mars 2004, à l’Auberge de la Vallée de Nanteau, et que,
le temps passant, comme pour un vin de qualité, se bonifie encore. Des
musiciens de talent, que Michel Mardiguian et Jacques Montebruno, tous deux
à la clarinette, Laura Bajata, à la guitare et, pour la rythmique,
Claude Quibet à la contrebasse et Philippe Merville à la batterie…
Depuis plusieurs années, leur collaboration a donné cette connivence
et cette maturité sensible qui sert à merveille leur musique.
Et nous voilà embarqué en leur compagnie, clarinettes chantantes
et dialoguantes guitare accompagnant ou mélodisant, sur le chemin de
la New Orleans, au long des rives du Mississippi, à la redécouverte
d’une musique colorée qui fit le succès à Saint-Germain
ou à Juan-les-Pins d’un Bechet et de tant d’autres, pour
notre plus grand plaisir. C’était aussi un retour aux formations
d’origine, où la clarinette avait une place de choix, avant d’être
détrônée par le saxophone qui, hors sa propre tonalité,
présentait moins de difficultés techniques et plus de volume,
et un clin d’œil à d’autres duos fameux de clarinettes,
cités par le Hot Club du Gâtinais : Sydney Bechet/Albert Nicholas
ou Mezzrow, W. Frankes/ I. Christie, Luter/ Bigard, Bob Wilber/ Kenny Davern.
Alors voilà, ce fut une grande jubilation que de suivre ces compères
dans cette formation originale et dans un répertoire riche d’émotions
partagées, chaque clarinette intervenant selon son propre style, que
l’on pourrait assimiler pour Mardiguian à Sydney Bechet et Montebruno
à Jimmie Noone, côté puissance pour le premier et souplesse
pour le second, alternant solos et chorus colorés. Échanges à
deux voix, pas seulement, car il y a la guitare de Bajata, qui sait enrichir
le jeux de sa vivacité mélodique, quand il ne s’impose pas
en de remarquables solos, comme ce “Bajata’s concerto” en
l’honneur de Django Rheinhardt.
Un concert des plus agréables, qui ne fut pas sans évoquer le
Duke, Fats Waller et Benny Goodman, et qui se termina sur deux rappels mérités.
KAMLO QUARTET 10 mars 2007
Comment ne
pas adorer la musique manouche, généralement inspirée,
toujours brillante ! Mais, parfois, la performance technique, orchestrée
par la fameuse pompe qui est sa principale caractéristique de base, est
justement très technique, plus qu’émotive. Eh bien, avec
le Kamlo Quartet du guitariste Pierre Barré, il n’en est pas ainsi,
même si le niveau est au plus haut techniquement, dans les Nuages, dirions-nous
pour évoquer la figure du grand Django. Il y avait ce soir un vibraphone,
animé de main de maître, du bout de ses mailloches, par le jeune
et talentueux Paul-Marie Barbier, aux sonorités cristallines et aériennes,
partenaire avec la guitare de superbes mélodies qui chantent véritablement
avec sensibilité et subtilité. Et Nuages fut autre par cet instrument,
mais tout aussi superbe… Du bel art, donc, avec un choix de titres propres
à séduire un public venu particulièrement nombreux. Mais
on ne peut réduire le jeu à un duo. Car il y a Franck Winterstein
qui a le rôle ingrat mais tellement nécessaire de la rythmique,
et, bien sûr, Claude Mouton et sa contrebasse, le visage sculpté
par la lumière, et une silhouette plus effacée, allongée
d’une grande écharpe pendante, et qui se fond avec son instrument
et en épouse la forme pour en sortir rythme ou mélodie, sous un
doigté expert ou la caresse de l’archet. Une osmose de tous parfaite,
et rarement l’esprit manouche a été aussi bien respecté
et magnifié.
Alors on aurait pu avoir quelque crainte lorsqu’un musicien de dernière
minute, inconnu du groupe, se présenta, avec un accordéon…
S’il est difficile de refuser le “bœuf”, comment ne pas
redouter que l’équilibre du programme et de la cohésion,
construit au fil des répétitions et du partage de connivence,
ne soit troublé. Et Pierre “Kamlo” Barré de prendre
le risque, et de modifier le programme du début du second set, pour accueillir
le visiteur, en l’occurrence Max Marcilly, du groupe “Les Mystères
de Paris”.
Dès les premières notes, on aurait pu douter que ces musiciens
n’aient pas déjà travaillé ensemble – c’est
la marque des grands professionnels -, et les “Minor Swing”, “Sweet
Sue” ou “Tears”, choisis spontanément, furent tout
simplement superbes. Et les vocalises de l’accordéon s’accordèrent
à merveille avec les vibratos de vibraphone. Ce fut un grand moment de
cet éphémère quintette, salué, au départ
de Max, d’applaudissements nourris. Applaudissements qui, à la
fin du set, firent découvrir en bis la belle voix chaude de Kamlo pour
un “Night and Day” qui conclua une soirée d’exception.
PHILIPPE
DUCHEMIN TRIO 31 mars 2007
Un fois de
plus l’excellence jazzy donnait rendez-vous, ce dernier jour de mars,
au public de la Cave du Jazz, au travers du trio de Philippe Duchemin. Que dire,
alors que tout a déjà été dit, et dans des termes
des plus élogieux, dans une presse chaque fois séduite, chaque
fois éblouie, par cette petite formation réputée pour incarner
la grande tradition du trio jazz américain, dans sa tonicité,
sa finesse et sa musicalité ! On pense à Fats Waller, à
Erroll Garner, et surtout à Oscar Peterson, auquel Philippe rend hommage,
et dont celui-ci avait avoué : “I very much enjoy this french pianist”.
Un pianiste remarquable, en effet, inspiré, à l’étincelante
virtuosité, au toucher remarquable, à la sensibilité généreuse,
(allons-y à notre tour pour les qualificatifs, car mérités
!) et accompagné de musiciens tout aussi brillants : Dano Haiter à
la guitare, Manuel Marches à la contrebasse. Homogénéité,
complicité, et bien sûr talent : tous les ingrédients sont
là pour nous faire vivre l’une des soirées les plus remarquables
que la Cave ait offerte à son public, ce qui est un jugement de valeur
important compte tenu du niveau des invités passés et à
venir de Jazzy 77. Et le trio de nous enchanter avec Peterson, mais aussi Django
au travers d’une superbe et originale interprétation de “Nuages”
; Count Basie, avec “Girl Talk” (que reprendra Claude Nougaro sous
le titre de “Danser sur moi”), mais aussi Duchemin, toujours lui,
qui a l’audace de détourner et de traduire dans le tempo swing
des thèmes prélevés dans la musique classique, et non des
moindres, de Jean-Sébastien Bach (“Take Bach”) à Frédéric
Chopin (“Ballade en Pologne”) : arrangements superbes, où
se rencontrent concerti, nocturnes, valses et polonaises, virtuosité,
fluidité, romantisme… À dire vrai, l’intensité
de ces instants de bonheur vécus auprès de tels musiciens eut
quelque chose de frustrant en fin d’une grande soirée d’enchantement,
à notre sentiment et aux dires de certains spectateurs : “quoi,
c’est déjà fini ! ” Et pourtant, il était tard,
et deux rappels, également brillants, avaient prolongé l’écoute,
avec ce petit quelque chose en plus, pour des musiciens qui en ont terminé
avec leur répertoire et ont respecté leur contrat, et fait vibrer
intensément le public, et qui ne jouent plus que pour le plaisir, s’abandonnant
à la fantaisie dans un superbe partage de l’émotion…
“Tea for Two”, “Hymn to freedom”…
Mais voilà, cette prestation eut trop le parfum d’un joyau. “Swinging
on a star”, on aurait bien passé la nuit à s’en enivrer.
Hélas, il fallait se résoudre à se séparer…
MAXIM SAURY 12 mai 2007
C’était
un rendez-vous à ne pas manquer, et le public fut présent, ce
12 mai, mais bien au-delà des prévisions. Tant qu’il fallut
compléter les chaises de la salle Sainte-Anne, pour accueillir près
de 200 personnes venues se replonger dans les racines de ce jazz du début,
né dans les plaines cotonnières du Mississippi ou vécu
dans les rues “bluesies” de la Nouvelle Orléans. Il est vrai
que la tête d’affiche ne pouvait laisser indifférent. Pensez,
Maxim Saury en personne, avec sa clarinette inspirée et chaleureuse et
un cœur toujours emprunt d’une vitalité et d’une jeunesse
étonnante (80 ans l’an prochain !), et accompagné de musiciens
tout aussi talentueux : Pierre Calligaris et son piano “stride”,
Jean-Paul “Hot” Papaz (qui remplaça Robin Calligaris en tournée)
et son fameux washboard.
Alors, ce soir-là, sous l’objectif de la caméra de TV Sud
77, Lorrez-le-Bocage, pour le grand plaisir de tous, s’était “délocalisé”,
emporté aux rythmes colorés du sud et évoquant les plus
grandes figures du jazz, entre swing, blues et boogie : Spencer Williams, Fats
Waller, George Gershwin, Sidney Bechet,... Avec un maître comme guide
! Ah, la bonhomie de Maxim, teintée d’humour et de simplicité,
lorsqu’il présente les morceaux choisis, préludes aux jeux
extrêmement volubiles et élégants de sa clarinette, avec
ses compagnons de route des plus brillants, à la découverte du
sud nord-américain, on the sunny side of the street, mais aussi des rues
d’Antibes ou encore des roses de Picardie. Les mélodies chantent
et vous transportent, apportant l’apaisement après la fièvre
de la campagne présidentielle.
Après les “actes” 1 et 2 du concert, mot par lequel Maxim
Saury évoque les sets, un petit joyau ponctua le rappel des stars, dans
la pénombre réclamée de la scène : “Petite
fleur” : Bechet, du haut de ses nuages, en fut sans soute plus qu’ému.
Et Maxim de conclure la soirée, car on aurait pu attendre ainsi le petit
matin à l’écoute ravie de ces œuvres inspirées
: “on est arrivé au sommet, alors, il ne faut pas redescendre”.
Alors, qu’ajouter lorsque l’on partage de tels instants avec des
musiciens de ce niveau et de cette notoriété, au travers d’une
expression musicale et émotionnelle qui frise la perfection ? Je reprendrai
donc pour conclure le simple mot d’une spectatrice, après que le
trio fut acclamé, public debout : “Merveilleux !”.
Merci à Maxim et Pierre, merci à Jean-Paul, le “hot”…
et bien sûr au groupe de copains qui font que la Cave du Jazz permette
de tels moments.
LITTLE MAGIC
SAM 09 juin 2007
Ils sont cinq,
l’allure décontractée, foulard ou chapeau sur la tête,
jean et baskets… Il y a Sam, à la guitare et à l’harmonica,
Jerry Lipkin, au clavier, Patrick Baldran, également à la guitare,
Bruno Baidez, à la basse, et Théo Dule, à la batterie…
Rien que le le nom de ce dernier donne le ton au spectacle qu’ils proposent,
coloré et déjanté, vif et inventif. On est dans le monde
du blues, mais un blues revisité, qui prend un sacré coup de jeune.
On oublie dès les premières notes celui des origines, ce Delta
Blues que nous interpréta par le passé avec talent un David Evans
ou un Little Victor. Ici, la musique est dense, swingante à souhait,
talentueuse aussi. Nous annoncions dans le programme : “un blues chaud,
soul, rugueux et métissé”, proche du Chicago Blues cher
à Luther Allison, dont Sam nous avait déjà gratifié
d’un hommage à l’Auberge de la Vallée de Nanteau-sur-Lunain,
en août 2001, avec son groupe de l’époque : Little Sam and
Friends. C’est cela, mais avec en plus la verve d’un leader devenu
plus “magique” dans son jeu, de Little Magic Sam, qui accompagne
le chant, toujours en mouvement, passant d’une mimique à l’autre,
occupant du geste ou de l’instrument l’espace de la scène,
entraînant ses compères en osmose dans des rythmes chaleureux sur
lesquels sa voix surfe littéralement. Il y a un sacré tempérament
dans ce quintet, avec des paroles qui flirtent avec insolence avec les décibels.
You don’t love me, titre une complainte. Mais comment ne pas l’aimer,
alors que sa musique invite à la danse, et certains des spectateurs profiteront
de l’aubaine, alors que d’autres accompagneront la rythmique du
claquement de leurs mains…
Une soirée qui laissera un grand souvenir, et pas seulement à
cause de la grande panne électrique qui, fort heureusement après
le dernier morceau du second set, coupa la sono et plongea la salle dans la
pénombre d’un éclairage de secours, Little Magic Sam en
profitant pour transformer le rappel en un grand solo d’harmonica, sous
les applaudissements du public et de ses compagnons mis en chômage technique...
FIDGETY
FEET JAZZ BAND 01 septembre 2007
Lorsqu’ils
s’installèrent dans la lumière de la scène, devant
le public nombreux qui s’en était venu inaugurer la rentrée
- et les dix ans d’existence de Jazzy 77 -, ils n’étaient
que deux : Laurent Souques, à la basse, et Michel Senamaud (des Haricots
Rouges), à la batterie. Court intermède pour installer le tempo
et rythmer la venue des autres, une parade à la manière des marches
musicales qui faisaient vivre les rues de la Nouvelle-Orléans, il y a
bien longtemps et encore hier, de temps à autre, avant le passage de
Katrina. Sortant alors de l’ombre et faisant un tour de la salle, Jean-Marie
Hurel, à la trompette, leader et âme du groupe, Frank Warscotte,
aux saxe ténor et clarinette, Christophe Derret, au trombone, et Bob
Garcia, gratteur de banjo. Au final, un sextet de choc qui va nous replonger
dans les racines du jazz, avec sa chaleur et son partage d’émotions,
et qui va, durant quelques heures, transformer Lorrez-le-Bocage en Lorrez-en-Louisiane…
Il y a de la décontraction dans ces musiciens, qui donne beaucoup d’authenticité
à cette musique du cœur. Les morceaux commencent parfois de façon
incertaine, avec l’échange de quelques mots, d’un numéro,
le lancer de quelques notes, et puis sous l’emprise de la connivence,
comme par enchantement, tout s’ordonne, la mélodie fuse, les instruments
chantent et dialoguent. Et lorsque les musiciens sont inspirés et brillants,
cela devient magique… On va de Louis Armstrong à Louis Prima, en
passant par Woody Allen, sous des applaudissements qui ponctuent chacun des
solos. Jazz et blues, jazz et spirituals, une grande soirée signée
: Fidgety Feet Jazz Band.
Avec une surprise, la visite imprévue de Sherlock Holmes et de Tintin,
oui, bien présents sous la plume du talentueux fan de ces héros
: Bob Garcia, qui fit de nombreuses dédicaces de ses essais et romans.
RAPHAËL
FAŸS 22 septembre 2007
Une rencontre
qui fut un peu un privilège pour les organisateurs de la Cave du Jazz,
car particulièrement chaleureuse : il y eut celle des amis basques espagnols
venus l’accompagner et de Maïté, la barmaid ; il y eut la
préparation instrumentale et la balance complexe orchestrée avec
Pierre, le spécialiste son ; il y eut enfin le dîner d’accueil
ponctué d’un superbe gâteau décoré au nom des
musiciens et proposé par Thérèse, la “chef de cave”
de la soirée. Puis il gagna la scène avec modestie, découvrant
le public venu l’applaudir, nombreux comme jamais… On imagine le
trac que l’artiste doit ressentir devant l’inconnu. Mais l’instant
est court et sous les feux des projecteurs, la magie s’opère :
Raphaël, de sa seule présence, avec sa guitare, crée l’enchantement
: une grande promenade sur les routes gitanes et andalouses commence, tandis
que le rejoignent Ramon Galan, à la rythmique, et Claude Mouton, à
la contrebasse, de bons compagnons de route, attentifs à la marche du
maître. Un voyage dans l’univers de Raphaël Faÿs, musicien
doué et d’exception, dont les maîtres à penser ne
furent pas des moindres : Django Reinhardt et Alexandre Lagoya. Étrange
mélange, gypsy et classic, qui formèrent sa personnalité,
avant de s’ouvrir à l’âme flamenca, à la suite
de la rencontre de Paco de Lucia, et au contact de musiciens tels Juan Carmona
et Daniel Manzanas. Elle est loin l’époque du “Grand Échiquier”
où l’invita jadis Jacques Chancel pour son talent de jeune prodige.
La maturité venant, jointe à un long apprentissage font que Raphaël
ne plagie pas : s’il interprète l’œuvre d’autres
compositeurs, c’est toujours du Raphaël Faÿs, avec la touche
et un phrasé qui lui sont propres, et une élégance qu’on
lui envie.
Pièces courtes, dont quelques titres sont de Django, de Maceo Pinkard
ou encore de Louis Faÿs, mais surtout des compositions personnelles, ciselées
au médiator par un doigté alerte et sensible, des variations virtuoses
où vibratos et glissandos dessinent des mélodies aux nuances subtiles
et empreintes de sensations flamenca, baroques ou romantiques. Sous l’aisance
de l’interprétation, on imagine mal tout le travail qui se cache
derrière la flamboyance, et cette exigence de l’excellence qui
laisse rarement tout à fait satisfait le musicien, et qui est la marque
de sa générosité envers le public auquel il se donne. Car,
comme il l’avoue, chaque concert est préparé avec la même
intensité, qu’il ait lieu lors d’un grand festival ou au
château de Bonaguil, en Aquitaine, dans une petite cave parisienne ou
à la salle Sainte-Anne de Lorrez-le-Bocage.
L’un des titres, sa “Ballade au bout du monde”, est en fait,
comme tout ce qu’il partage avec le public, une balade au plus profond
de sa sensibilité et de son imaginaire créatif.
Le premier titre du rappel, “Nuages”, qu’il associa à
“Minor Swing”, fut aussi le premier morceau qui l’initia à
la musique et au jazz manouche, sous la houlette de Louis, son père.
Cela aurait pu être, pour clore la soirée, un dernier hommage à
la fois à celui-ci et au grand Django. Mais le public, debout, en décida
autrement, et deux autres bis suivirent… Merci, Raphaël, pour tout
ce bonheur en partage !
MANZANAS 20 octobre 2007
Une fois encore,
l’Espagne est à l’honneur à la Cave du Jazz, en invitant
le guitariste Daniel Manzanas et son quartette, pour célébrer
dans sa pureté et sa tradition le flamenco, cette superbe expression
musicale et dansée aux racines lointaines andalouses et gitanes.
Mais avant de prendre la direction de Séville, il y eu la surprise d’accueillir
en vedette américaine la jeune Myriam Bouk Moun, attirée très
tôt vers le jazz vocal à l’écoute de Sarah Vaugham,
et qui délaissa ses études universitaires pour d’adonner
au chant, dans des chœurs, et se former, entre autres, auprès de
la chanteuse camerounaise Sellsa. Accompagnée par Claude Mouton, à
la basse électrique, elle donna la mesure de sa capacité vocale
et de sa sensibilité, mêlant chant et scat, et avec quelle présence
! Sachant qu’elle n’interprète pas seulement, mais qu’elle
compose, musique et chant, c’est un nom qui demain, devrait s’imposer
!
Et puis, ce fut Daniel Manzanas qui poursuivit l’enchantement, bientôt
rejoint par Edouard Coquard aux percussions, puis par Alberto Garcia au cante
et Claude Mouton à la basse. Le flamenco dans toute sa beauté,
ce flamenco qui, comme l’écrivit Sylvie Galland (Le Courrier n°
66, janvier 1993), “renferme aussi et surtout les trois mémoires
de l’Andalousie, mêlées de façon inextricable : la
Musulmane, savante et raffinée ; la Juive, pathétique et tendre
; la Gitane enfin, rythmique et populaire”. Et Daniel Manzanas et ses
amis porteront haut cette musique, à laquelle il ne manquait que le baile
: et ce fut l’apparition d’Estefania Suissa. Il faut dire que le
baile flamenco, Estefania l’apprit durant plusieurs années auprès
de grands danseurs et danseuses sévillans. Cela fait partie aujourd’hui
de sa vie, de son approche du monde. Mais quel contraste entre la jeune femme
avec qui on converse en toute simplicité et modestie, hésitante
parfois sous une question qui sonde les profondeurs de sa passion, et la danseuse
qui se présente sur scène, altière dans le regard et l’attitude.
Une métamorphose. Et lorsque le mouvement se déclenche, il est
alternance d’attente et de fulgurance. Quelle impression ! Le corps séducteur
dans la fluidité de l’étoffe, se coule et se fond dans la
rythmique et les incantations du cante, qui exprime ici la joie, là la
souffrance. Cela avec une telle force qu’il devient musique et mêle
ses propres vibrations à celle des cordes sous le doigt ou l’archet
à celle de la voix. Au mouvement des mains répond sur le sol le
claquement de la plante du pied et du talon. Rythme, précision du geste
et contrôle du mouvement, la silhouette est axe où le velours chatoie
dans la lumière, et autour duquel tourne l’espace. Et là,
parce que pratiqué au plus haut niveau, on comprend ce paradoxe qui sourd
du baile, lorsqu’il est vécu ainsi par la danseuse : à la
fois une maîtrise de soi extrême, et une très grande liberté
de tout l’être. C’est ce qui fait la force de la danse flamenca
ainsi interprétée et qui, ce soir, portée par des musiciens
de haut niveau, fit qu’une partie de la salle resta debout, formant un
cercle presque intime de silhouettes sombres encadrant la lumière de
la scène, ce qui convient bien à cette musique de la passion.
Susanna
BARTILLA 17 novembre 2007
Citons “Autumn
Leaves”, pour reprendre l’un des titres chantés par
Susanna Bartilla, ce 17 novembre à la Cave du Jazz, et donner le ton
de superbes standards qui ne cessent d’enchanter l’esprit et firent
oublier ce soir-là, comme par magie, le froid automnal du dehors…
Car comment ne pas se laisser entraîner par la voix sensible, veloutée
et aventureuse de la chanteuse et la rythmique jazzy mise en scène par
une équipe de musiciens de talent, tels Luc Triquet au piano, Sean Gourley
à la guitare et Claude Mouton à la contrebasse. Promenades au
gré de ces mélodies et ballades d’ici et d’ailleurs,
qui nous emmènent sans coup férir d’Amérique à
l’Allemagne et ne s’oublient pas : “Star Dust”, “Skylark”, “Bel Ami” ou “Lili
Marleen”… Un enchantement, ponctué de duos insolites
où se mêlent les voix de Susanna et de Sean, musicien mais aussi
crooner au timbre très particulier. En leur compagnie, on croisa même
la belle Audrey Hepburn, échappée du film de Blake Edwards : “Diamants
sur canapé”, en robe fourreau et lunettes noires, fredonnant “Moon
River” devant la vitrine de Tiffany’s …
L’osmose est grande entre tous, et l’émotion est sans cesse
présente. Susanna, troublante par son naturel et sa facilité à
passer d’une langue à l’autre, les voix, le jeu des cordes,
en particulier de la contrebasse, qui chantent aussi sous le doigté expert
ou l’archet sensible de Claude… y contribuent pleinement
Une soirée qui passe très vite, trop bien sûr, à
écouter Susanna, à regarder sa silhouette sensuelle, toute de
présence et de simplicité, où la blondeur de sa chevelure
contraste sobrement avec le noir de sa robe, superbe sur le rouge du fond de
scène. Alors qu’ajouter, tandis que Susanna avoue : “I
Can’t give you anything but love”, sinon que ce fut, selon
le titre de son dernier disque : “So fiel Glück”,
que du bonheur. Et au bout de deux rappels, il fallut bien songer à se
séparer : “Hit the road to dreamland”, chanta-t-elle,
en précisant « Faites un bon voyage de retour et faites de beaux
rêves ». Dans la nuit glacée Il en fut sans doute ainsi pour
beaucoup, une fois les pare-brises nettoyés du givre…
Hammondeon 15 décembre 2007
C’est
le froid qui baignait la campagne gâtinaise et figeait dans le givre champs
et bois, en cette soirée du 15 décembre, tandis que sur Paris,
d’où tentait de s’échapper notre quartet, c’était
la fièvre des départs qui bloquait entre stress et pollution la
circulation du ruban périphérique où même l’accordéon
circulatoire avait rendu l’âme. L’enfer pour l’orgue
Hammond céleste ! Bref, le retard fut grand pour nos musiciens, lesquels,
arrivés dans les temps pour accueillir un public plus nombreux que prévu,
ne purent satisfaire pleinement à cette opération essentielle
ménagée par la technique de Jazzy 77 qu’est la balance des
instruments.
Alors que dire du premier set ? Malgré tout le talent de ces musiciens
hors pair, Stefan Patry à l’orgue, René Sopa à l’accordéon,
Sydney Haddad aux percussions et François Morin à la batterie,
le cœur n’y était pas. La cohésion n’était
pas techniquement au rendez-vous et “L’été indien” (magnifié par Dassin) n’eût pas la splendeur attendue ! Il
fallut donc se résoudre à inviter le public, en live, à
subir la phase nécessaire d’une balance approfondie. Ce qui fut
accepté de bonne grâce,… et montra la difficulté de
monter un spectacle musical.
Et le miracle eut lieu : le deuxième set fut à la hauteur de l’attente.
Ce qui était d’autant plus important que ce couple original et
improbable sur les scènes jazzies, de l’accordéon et de
l’orgue Hammond, était né à la Cave du Jazz, suggéré
au départ par le président Alain Bois et concrétisé
à Lorrez lors d’une soirée mémorable, en octobre
2005. De ce couple, un enfant était né : l’album “Hammondéon”,
dont Alain était le parrain. Inutile de dire que l’excellence était
requise pour fêter l’union et la naissance. Dès lors, elle
le fut : au travers du jeu vif et sensible de René, porté par
les turbulences mélodiques et aériennes de Stefan, un équilibre
sur la corde de deux artistes en parfaite maîtrise de leurs instruments,
et pour ceux qui songent déjà aux festivités de Noël,
un met sucré/salé à déguster sans modération.
L’ivresse mélodique, au travers de compositions de René
et de Stefan et de beaux standards, sous la rythmique efficace de Sydney et
de François, ne pouvait que s’installer, ainsi au travers de “Toulouse” (de Nougaro et Chevallier), de “Summertime” (de Gershwin),
réclamé par un spectateur… Les demandes de bis furent amplement
méritées, et l’on put réentendre dans toutes ses
finesses “Raymonde 007” (de Patry), précédent
un superbe final de blues en medley…
Une soirée sur le fil, donc, mais un grand moment musical.