Le billet de Clairis 2009

2003 2004 2005 2006 2007 2008


Prez Beat Band Salamander's Raphaël Faÿs NougaSound
René Sopa

École de musique White Jive

Marcel Zanini Max Marcilly
Susanna Bartilla De Preissac / Calligaris -  

Après la grande soirée d’Égreville, qui clôturait l’année avec Dany Doriz et les Sweet System, une autre grande soirée pour fêter la nouvelle année avec, au programme, deux ensembles jazzy : au total 28 musiciens ! 21 (au lieu des 17 prévus) à l’actif du Prez Beat Band et 7 (au lieu des 6 prévus, car avec un invité-surprise) à celui des Salamander’s Jazz Band… Beaucoup de monde, donc, sur la scène, mais pas seulement. La salle Sainte-Anne de Lorrez-le-Bocage était pleine à craquer d’un public venu apporter son écoute chaleureuse pour le plus grand plaisir des musiciens. Alors, avant d’évoquer la musique, un grand coup de chapeau à l’équipe de la Cave du Jazz pour l’organisation, pour son dévouement et son professionnalisme ! Mais la récompense leur était dans l’affluence amicale et la fidélité, et aussi dans la qualité des groupes.

Prez Beat Band 17 janvier 2009

La surprise vint du Prez Beat Band qui offrit – ce qui est inhabituel à la cave – du Jazz “symphonique”, avec bien sûr les partitions et un chef, Bertrand Chapellier, attentif au jeu de tous ses musiciens (au piano, Bertrand Dupont ; à la contrebasse, Alexandra Lanciaux ; à la batterie, Aurélien Hauser ; à la guitare, Mourad Roumane ; à la trompette, Philippe Artigala, Hélène Bouquerel, Antoine Cathala, Vincent Petit et Jean-Christophe M’Fouara ; au trombone, Jean-Marc Ganier, Éric Maillard et Jean-Louis Bazire ; au saxophone - ténor -, Cyriaque Laveuve et François Lardennois, - alto -, Jean-Marc Setto, Franck Henry et Grégoire Georges, - soprano -, Gérard Loucel ; à la clarinette basse, Constance Corbier, et à la flûte, Chantal Weiss ), avec une belle orchestration et des solos instrumentaux de qualité, d’où je retiendrai la flûte de Chantal, ainsi que la clarinette basse de Constance, aux accents originaux lorsqu’ils flirtent avec les infrasons… L’ensemble, qui évoqua, entre autres, Horace Silver, Dizzie Gillespie, Duke Ellington ou Gil Evans, n’est pas sans rappeler ces grandes formations de l’après-guerre, notamment au travers du technicolor américain.

Salamander's 17 janvier 2009

Avec les Salamander’s, la Cave retrouvait ses marques traditionnelles. C’est-à-dire une ambiance plus spontanée où l’improvisation apparaît de mise, bien que la liberté et l’apparente facilité cachent toujours un travail intensif dans l’arrangement et la cohésion musicale. Sous la direction de Jean-Marie Hurel, à la trompette, des pros du style New Orleans : plusieurs Michel : Vallaux à la guitare, Duverger au sax et à la clarinette, Simonneau au trombone ; puis François-Xavier Coffre à la contrebasse et le jeune Thomas Doublet à la batterie. Sans oublier l’invitation pour un “bœuf” de Pierre Calligaris, au piano, qui ajouta au talentueux ensemble son propre talent et ses doigts de fée sur le clavier…

Donc un autre voyage festif sur les chemins du Grand Sud nord-américain, avec quelque chose de “Tenessee” qui invite au partage et qui laisse le temps filer sans qu’on s’en aperçoive… Minuit passé, plusieurs rappels prolongèrent le plaisir. Le dernier morceau “What a wonderful world”, du grand Louis Armstrong, - pour conjurer le sort, dixit Jean-Marie - fut magnifique, dans son interprétation, bien sûr, mais aussi parce qu’il était porteur de ce grand espoir qui s’installait outre-atlantique, avec l’installation de Barak H. Obama à la Maison Blanche…


Raphaël Faÿs 7 février 2009

Un ciel morose de ses nuages et de sa froideur baignait les abords de la salle Sainte-Anne, ce samedi 7 février. Un temps de saison, bien sûr, chargé de grisaille et de nuit, mais idéal pour éprouver l’envie de partager la lumière et la chaleur de la Cave du Jazz, surtout lorsque l’on sait y retrouver Raphaël Faÿs et sa guitare magique. On savait qu’avec ses compagnons de rythmique, Ramon Galan à la guitare et Claude Mouton à la contrebasse, c’était une belle invitation au voyage vers des contrées de soleil qui était proposée… Le public était venu nombreux, il serait chaleureux, à n’en pas douter, puisque le talent était bien évidemment au rendez-vous. Il est vrai que l’excellence fait partie de la vie musicale de Raphaël. Que de travail, on l’imagine, chaque jour, pour maîtriser dans toutes ses nuances le chant de l’instrument, pour toujours maintenir au plus haut niveau le doigté agile, pour offrir, au travers des vibrations des cordes, du rêve, tout simplement… Cette intransigeance de la qualité, on la perçut tout de suite avec les réglages que le musicien optimisa au début à plusieurs reprises, car on sait qu’une balance effectuée lorsque la salle est vide, peut varier lorsqu’il y a beaucoup de monde, ce qui était le cas ce soir-là. Et tout doit être parfait, c’est cela Raphaël. Il ne restait plus alors qu’à se laisser porter sur les mélodies, du jazz classique aux rythmes manouche ou flamenca, le regard rivé sur le jeu virtuose de la main et du médiator, à la rencontre de Django, de Bernie Pinkard et de Cole Porter, de Al Casey, mais aussi et surtout de Raphaël Faÿs, qui nous offrit nombre de ses compositions, ancrées dans le flamenco : tarantas, bulerías, alegrías… Les notes d’une grande pureté fusent, forment des arabesques qui dessinent dans l’espace des mélodies complexes, mais qui coulent comme l’eau vive, jaillissent en volutes ou éclatent en flamboyance. Le rythme est enlevé, alternant violence et apaisement, évoquant dans toutes sa diversité et ses passions, l’âme andalouse. Il suffit alors de fermer quelques instants les yeux, pour se retrouver quelque part dans les ruelles de Cordoue, de Séville ou de Grenade, dans l’ambiance chaude de quelque bodega, lorsque les applaudissements s’interposent, ou encore dans l’atmosphère sensible et calme de l’un des jardins de l’Alhambra. Et lorsque Claude propose un solo sensuel de sa contrebasse, la même magie subsiste. Le charme est là que rien ne peut rompre. Seul Ramon, compagnon imperturbable dont on sait le grand talent de jeu, maintient avec constance une rythmique nécessaire, tout en lui faisant épouser toutes les subtilités mélodiques de Raphaël. L’harmonie est là, et l’esprit vagabonde à plaisir dans une belle Ballade au bout du monde , ou encore une délicate Valse sans retour , à l’écriture inspirée, et qui laissent couler le temps sans qu’on s’en aperçoive... Il faut bien se rendre compte qu’on en arrive au moment du retour. On tentera, bien sûr, de retenir un peu plus ce trio enchanteur, au cours des rappels, ce qui se fera avec Django et son Minor Swing , et Art Tatum avec How high the Moon … Au dehors, la lune était cachée quelque part derrière une épaisse couche nuageuse, mais du soleil inondait les coeurs.

NougaSound 14 mars 2009

Jouer sur le répertoire d’une grande personnalité comme Claude Nougaro est toujours périlleux. Soit que l’on cherche l’imitation ou soit qu’on s’en écarte en laissant libre cours à son propre style, et on est quasi certain de se “planter”, car le regretté Claude était inimitable : il avait tous les talents, de la qualité des textes à la diversité de ses musiques, portés par une interprétation et une présence sur scène incomparables. Un voyage en compagnie du maître donc sur le fil d’une corde raide.
Pourtant, le public de la Cave, ce 14 mars 2009, avait d’emblée accordé sa confiance au groupe NougaSound, puisqu’il vint particulièrement nombreux écouter son leader, le chanteur “équilibriste” Lionel Lefebvre, accompagné de ses guitares, mais aussi de compagnons qui devaient être à la hauteur pour porter le chant, colorer et rythmer la prose superbe : Bruno Moriuser, à la basse et au saxe ; Bernard Giovannacci, au clavier et à l’accordéon ; Stéphane Cassus, à la batterie et aux stridences de cigales, sans oublier son fils, le tout jeune Adrien…
Et le public ne s’était pas trompé. Le miracle eut lieu, avec une osmose vocale naturelle chez Lionel, sans recherche de parodie : il y avait là une vérité d’interprétation que Nougaro n’aurait vraisemblablement pas renié. On fut confondu par le timbre de la voix, la chaleur du chant, une présence sans artifice d’où émerge une imprégnation nougarienne profonde. Et cela swingue, avec Bruno, Bernard et Stéphane qui accompagnent ou se partagent en solos brillants mais qui savent respecter l’esprit d’un hommage : au travers d’eux, c’est bien Nougaro qui était présent à la Salle Sainte-Anne de Lorrez, avec une interprétation talentueuse et sincère, entre jazz et java, à l’évocation du printemps d’un premier amour ou de l’été méditerranéen, où une rivière des Corbières nous mena à Toulouse ou à Sing Sing, à la rencontre en chemin d’Amstrong : 27 titres pour l’enchantement, avec, l’heure tournant, le regret de devoir “tourner la page” et penser au retour, sans plus encore “changer de paysage” ou “toucher d’autres rivages”… Au rappel, en dernier cadeau pour honorer Claude Nougaro, avant de reprendre la route, “Cécile, ma fille”…
Beaucoup de plaisir grâce à vous, Messieurs du NougaSound !


René Sopa 16 mai 2009

La grande soirée des musées, ce samedi 16 mai, n’avait pas occulté la curiosité d’amateurs de bonne musique, qui vinrent découvrir à Lorrez-le-Bocage René Sopa, l’accordéoniste jazzy, auquel la Cave du Jazz avait donné carte blanche.
René Sopa est bien connu de Jazzy 77, avec des duos remarqués et appréciés, comme celui qui avait réuni, en décembre 2007, en compagnie du spécialiste Stéphane Patry, l’accordéon et l’orgue Hammond. René est un musicien de talent, que l’on a toujours plaisir à retrouver, et qui a sorti son instrument des clichés du traditionnel musette, qui fit danser tant de monde dans les ginguettes ou les bals de village, mais manquait de renouvellement, pour lui donner une teinte “blue note”.
Son invité-surprise : le violoniste Jean-Pierre Forté, entré au Conservatoire de Nîmes à l’âge de 5 ans pour se former à la musique classique, avant qu’il ne découvrit le Jazz, poursuivant ses études au Conservatoire de Paris (CNSM). Interprète et compositeur passionnés, celui-ci avait réussi à réunir, en mai 2008 une quarantaine de musiciens venus de différents départements (classique, jazz) pour l’enregistrement de plusieurs de ses pièces.
Deux pointures donc, pour célébrer les noces originales du violon et de l’accordéon. Et l’on ne fut pas déçu ! Dès les premières notes, on ne pu que vibrer aux épousailles lyriques des deux instruments, dans un paysage musical brossé de timbres différents et magnifiquement complémentaires, où l’accord fut à la mesure du talent des deux interprètes. L’émotion au rendez-vous, donc, avec, au travers d’une évocation nomade, de mélodies nous promenant sur des chemins variés, d’Ostende en Algarve, entre inspirations latino, gitanes, tsiganes, ou autre, tantôt traditionnelle, tantôt contemporaine, des mélodies parfois personnelles, créatives, sensuelles et subtiles. Doigtés virtuoses et sensibles avec en prime, pour le violon et son archet, un jeu original, au travers de pédales d’effets, parfaitement dosés et maîtrisés, réverbérants, mélodiques ou rythmiques qui, pour le spectateur fermant les yeux, lui donnait l’impression d’être en présence d’un ensemble plus orchestral. 
Alors, lorsque que l’on apprend que cette représentation est une première pour le duo, devant l’osmose des instruments, auxquels il faut rajouter, pour René, un accordina, et pour Jean-Pierre une mandoline électro-acoustique, on reste tout à fait coît. C’est une performance, et la preuve, s’il en était besoin, que ce sont de grands musiciens.

Le public les réclama pour deux rappels ; il n’était vraisemblablement pas pressé de quitter la salle Sainte-Anne, et la soirée aurait pu se prolonger encore longtemps. Cela restera un moment marquant pour la Cave du Jazz.


Ecole de musiques et White Jive 13 juin 2009

Pour cette dernière soirée avant les vacances estivales, la Cave du Jazz accueillait deux groupes seine & marnais : la formation du Centre des Musiques de Nemours, conduite par un membre de Jazzy 77, Richard Wadicky, et le tout jeune groupe “White Jive”, né en 2007.
On aurait pu craindre une soirée mineure en regard des programmations habituelles de la Cave : il n’en fut rien, et le public le pressentit, puisqu’il vint particulièrement nombreux applaudir ces musiciens en formation ou devenir. Salle comble donc (il fallut rajouter des chaises !), et qualité au rendez-vous.
Pour l’école de musique, ce fut pour beaucoup une révélation, de par le talent et la cohésion d’un ensemble de 22 instrumentistes, en majorité des soufflants, où tous les âges se côtoyaient, ainsi que du choix du répertoire, le tout étant indicateur de la compétence et de l’exigence du chef, du travail accompli au travers des nombreuses répétitions, pour atteindre la qualité d’interprétation requise. Alors, tout simplement et sans complaisance, bravo à Richard et à tous les musiciens qui n’ont pas failli à la réputation de la Cave du Jazz. C’était à l’image des “big bands” de la musique jazzy américaine que certains des spectateurs, dans leur jeunesse, apprécièrent. Et n’oublions pas, pour l’anecdote, la voix de Sophie, laquelle présenta chaque morceau de façon intéressante et pédagogique, évoquant au passage Astor Piazzola, Duke Ellington, Spencer Williams, John Briver, Earle Hagen, Count Basie. Chacun imaginera, au travers de ces noms, le niveau du programme.
Avec le quintet White Jive, ce fut aussi un second temps fort, d’atmosphère jazzy différente,  puisque funk et soul, et où se distinguèrent Zacharie Ksyk, à la trompette, et Léon Phal, au saxophone, bien soutenus par Quentin Rémolu, au clavier, Vivien Aubé, à la basse, et Axel Lussiez, à la batterie. Peut-être manque-t-il encore à ce très jeune groupe (une moyenne d’âges de 19 ans !), une certaine présence scènique plus libérée, mais les morceaux étaient difficiles, certains de leur composition, comme L. Experience ou G.T, et ce fut une prestation appréciée si l’on se réfère aux réactions nombreuses de la salle.

De quoi bien aborder la période estivale, s’y ressourcer, et se préparer, bien sûr, aux prochains rendez-vous de la Cave, où les choix laissent présager d’autres excellentes soirées musicales.


Marcel Zanini Quartet 26 septembre 2009

Il est né à Istanbul, a longtemps habité Marseille, où sa famille s’était installée, découvrant la clarinette et le Jazz, avant de rallier l’orchestre de Léo Missir. On le retrouve à New-York pendant quatre années où il rencontra Louis Armstrong, Charlie Parker, John Coltrane, Art Tatum,… Puis ce fut Paris et les caves de Saint-Germain des Prés… Un jour de 1970, Léo Missir, devenu directeur artistique chez Barclay, lui proposa d’interpréter une adaptation française d’un tube brésilien, dû à un certain Wilson Simonal : “Ne vem que não tem”. On connaît la suite, avec un “Tu veux ou tu veux pas” qui lepropulsa au fait de la notoriété, avec un million de disques vendus, faisant presque oublier qu’il était aussi un grand jazzman.
Cet homme au renom international, c’est Marcel Zanini. Et l’une des étapes de son parcours exceptionnel, ce fut pour notre bonheur, ce 26 septembre, la Cave du Jazz de Lorrez-le-Bocage !
Aucune surprise qu’il y ait foule ce soir-là pour l’accueillir, lui et ses partenaires : Pierre Calligaris, le grand maître du piano “stride”, son fils Robin à la batterie, et François-Xavier Coffre, à la contrebasse, ce dernier remplaçant in extremis sur le fil, sans connaissance du répertoire et sans la moindre répétition, Pierre Maingourd, au dernier moment indisponible… Une réactivité dans l’improvisation pour les animateurs de la Cave qui durent faire la “balance” musicale alors que le public arrivait. Il fallait, une fois encore, que tout soit parfait.
Car c’était vraiment un privilège que de recevoir ce musicien singulier qu’est Marcel Zanini, personnage anachronique à la Marx Groucho, petite taille et silhouette frêle, cravate verte et bob, épaisses moustaches et lunettes rondes… Avec, au-delà de l’apparence, le talent, dans le jeu superbe de la clarinette ou du saxo, mais aussi une voix qui n’accuse pas les 86 ans dont il avait fêté l’anniversaire le 9 du mois. Une voix qui n’a pas pris une ride et qui porte cet humour “zaninien” qui joue à merveille de la distanciation, mariant au swing tendresse et drôlerie, nostalgie et bonne humeur… “Marcel Zanini est une sorte de Buster Keaton, très décalé, tout de légèreté, pour ne pas parler de grâce”, écrivit Guy Chauvier dans Jazz Classique. Et Patrick Pommier d’ajouter dans Jazz Magazine : “C’est tellement agréable d’entendre quelqu’un qui travaille sérieusement sans se prendre au sérieux”. Au final, une présence magnétique et une grande leçon de vie… et de jeunesse d’esprit.
Les premiers titres, en anglais, furent tous traduits successivement par “Je vous aime”, faisant participer un public sous le charme à plusieurs accompagnements de claquements de mains. Une ambiance décontractée et chaleureuse au possible. Cela fait du bien par les temps qui courent…
L’un des derniers titres, avant le bis final, fut “S’ Wonderful” de George Gershwin. Un titre qui symbolise bien la soirée avec ce grand Monsieur du Jazz et ses compères. Alors, “What else”, dirait une fois encore George Clooney. Oui, que dire de plus, vraiment !

 


Max Marcilly Quartet 17 octobre 2009

La soirée devait être sous le charme de la violoniste Aurore Voilqué et de son quartet, avec un répertoire de jazz manouche. Mais il y avait ce soir-là à Paris, à la Maroquinerie, rue Boyer, un concert d’hommage, mais aussi de soutien, au grand guitariste Seine-et-Marnais Patrick Saussois, gravement touché par la maladie et qui ne pourra remonter sur scène avant longtemps. La Cave du Jazz ne pouvait donc qu’associer sa pensée à ce musicien d’exception qu’elle aurait souhaité accueillir dans le futur proche, et remercier l’accordéoniste Max Marcilly, leader du groupe bien connu des “Misters de Paris”, présent ce soir dans un quartet inspiré par la période électrique de Django Reinhardt, mélange de swing manouche et de jazz be-bop… À ses côtés, des musiciens reconnus dans le monde du jazz : le guitariste Sean Gourley, aussi à l’aise dans l’accompagnement que dans la mélodie en solo – sans oublier une voix qui se prête magnifiquement aux textes américains - ; le contrebassiste Brahim Haiouani, qui passe allègrement d’une rythmique, souvent inspirée de la pompe manouche, au jeu musical, et enfin le batteur François Ricard, efficace et mesuré, respectant les évocations mélodiques des autres instruments.
Un quartet qui fut particulièrement apprécié du public, avec quelques morceaux de la composition de Max, et tout un ensemble de standards joliment interprétés, avec fluidité et sensibilité, tant pour le musette jazzy de l’accordéon et le doigté raffiné de la guitare. Une invité surprise, Carole Letessier, y ajoutera sa voix pour interpréter deux chansons françaises.
Pour conclure, il fallut pas moins de trois appels à poursuivre la vingtaine de morceaux interprétés, dont, en final inspiré, le célèbre “Minor Swing”.
Une soirée qui fut belle, mais à laquelle il faut rajouter tous nos vœux de rétablissement à Patrick.


Susanna Bartilla Quartet 21 novembre 2009

Une soirée particulière, à la Cave du Jazz, attendait le public. Une soirée placée sous les signes de la grogne et du charme, de l’ombre et de la lumière.
Pour la grogne et l’ombre, une affichette annonçait la couleur : “la Cave du Jazz, solidaire de Bob Garcia”. Car il fallait montrer le soutien à ce musicien romancier en souffrance – que nous avions apprécié humainement, et musicalement dans plusieurs groupes tels que Cotton Club Quartet, Fidgety Feet Jazz Band ou Swing Connection – et qui était victime de tintinophilie, une affection certes bénigne contactée dans sa jeunesse, mais aux conséquences graves pour un adulte, sans doute beaucoup plus que celle du AH1N1 qui fait notre actualité : la passion pour Tintin. Cinq petites études sur l’imaginaire de Georges Rémi, dit Hergé, éditées à quelques centaines d’exemplaires pour faire mieux apprécier les aventures du petit reporter…  et qui ont attiré l’attention de la société Moulinsart, fief des héritiers, sans cesse en quête de procès et de gains, même si cela contribue à promouvoir la légende, et cela gratuitement ! Deux tribunaux ont statué, le premier donnant raison à Bob, le second en appel le condamnant : ne pouvant payer la somme exorbitante (40.000 euros cash, sans les frais), devant le refus de l’ayant-droit Nick Rodwell d’étager les paiements, c’est la saisie par huissier de tous ses biens qui menace notre ami, sa femme et ses deux enfants… L’univers impitoyable de Moulinsart, aux profits énormes, tellement qu’ils étouffent toute compassion, toute humanité et toute raison. Le contraire du héros de Hergé.
Pour le charme et la lumière, Susanna Bartilla, le corps moulé dans une longue robe noire qui en souligne la sensualité, et un visage encadré de cheveux blonds que le sourire illumine. Avec une voix de contralto, troublante, qui séduirait les plus difficiles. Susanna a l’aisance du chant, la volupté du naturel, avec ses intonations veloutées et nuancées qui génèrent l’émotion, quelle que soit la langue employée, essentiellement américaine ou allemande : d’Autumn Leaves à Lily Marleen, c’est l’enchantement. Il faut dire aussi que l’accompagnement est de choix, avec Alain Jean Marie au piano, Sean Gourley à la guitare et Dominique Lemerle à la contrebasse, ce dernier usant aussi bien du doigté que de l’archet. Plusieurs morceaux furent même interprétés en duo, avec la voix de Sean, au timbre si particulier, mais dans une harmonie parfaite. Une soirée de qualité, dédiée au grand parolier Johnny Mercer, et qui prit fin après trois rappels.
On n’oubliera pas Bob, qu’il faut continuer à soutenir, mais on gardera un souvenir enchanté de Susanna et de ses amis.


De Preissac / Calligaris Trio 21 novembre 2009

Dernière soirée de fin d’année, à la Cave du Jazz. Ce devait être aussi la dernière produite dans la Salle Sainte-Anne de Lorrez-le-Bocage, suite à une proposition d’accueil de Nemours en sa Salle des Fêtes, avec une infrastructure technique digne de grands concerts. Un partenariat porteur pour les deux partenaires, et le public, mais une offre qui n’a pas tenu, après le départ du maire-adjoint délégué à la Culture.
Donc une soirée qui aurait pu être morose, même si les invités, Philippe de Preissac, Pierre et Robin Calligaris, auguraient d’une bonne humeur communicative et d’une prestation des plus talentueuses. D’ailleurs le public ne s’y était pas trompé, car il vint nombreux comme jamais écouter ces grands artistes jazzy.
De Preissac, clarinettiste international, chef du Quintet Jazz de la célèbre chanteuse Nancy Holloway, et chanteur à la voix exceptionnelle, capable d’évoquer sans les déflorer et à leurs manières les standards chantés de Louis Armstrong et de Henry Salvador ou de dialoguer avec l’intonation de personnages de cartoon, est comme le bon vin qui se bonifie avec les ans, (même si, pour l’anecdote, sa particule le ferait descendre des Bourbons, lui-même ajoutant : j’en descends plusieurs dans la soirée !). À plus de 70 ans, sa présence est toujours aussi dynamique, pleine de fantaisie et d’humour, avec parfois une mimique à la Hardy (le partenaire de Laurel) qui révèle peut-être l’homme qui se cache derrière le musicien invité des plus grand festivals et des plateaux télévisés. Car Philippe incarne aussi le brio d’une clarinette alerte et sensible qui suscite l’émotion et chante des mélodies qui enchantent…
Quant à ses compagnons de soirée, les Calligaris, Pierre au piano stride et Robin aux percussions, c’est l’aisance d’instruments maîtrisés au point que ceux-ci donnent l’impression de faire corps avec les musiciens. Quel bonheur de voir le visage jovial de Pierre, et ses mains aériennes parcourir avec volupté et dextérité le clavier, passant de la touche légère, de la délicatesse mélodique, à des fortissimos brillants et libérés, mais toujours en parfaite harmonie avec le jeu de la clarinette ! Quel plaisir de voir la silhouette du fils, de Robin, expert de la baguette, marquer avec brio une rythmique créative et vivante, tant sur les éléments de sa batterie que sur les objets les plus divers qui composent la salle, ainsi lors d’un solo, dans une grande promenade au sein des travées du public !
Un trio de choc, donc, pour le dernier spectacle 2009 de la Cave du Jazz, ou plutôt un quintet, car Pierre invita deux musiciens présents dans le public, pour une participation surprise : François-Xavier Coffre à la contrebasse et Jean-Luc de Moras au trombone, un véritable challenge pour eux, devant la virtuosité musicale de personnalités comme Philippe, Pierre et Robin…

Au final, avec deux rappels, ce fut une soirée magnifique en compagnie de Fats Waller, Duke Ellington, Louis Armstrong, Sidney Bechet, Gershwin, Boris Vian, Calligaris (aussi compositeur), et d’autres… Une belle promenade qui fit fleurir des Roses de Picardie à Avallon ou Dans les Rues d’Antibes, et pour laquelle le grand Satchmo, avec sa voix inimitable (sauf pour Philippe !) prit de la hauteur en s’exclamant : What a Wonderful World, une évocation dont on espère qu’elle sera perçue des hauteurs du fameux sommet de Copenhague, et qui est à préserver !